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'My two homes' de Rania Azoury Sarkis

LIVRE

11/11/2025

Rania Azoury a construit une carrière diversifiée englobant l’art, la communication, le web et le marketing. Animée par une passion pour la créativité, elle s’est récemment lancée dans l’écriture, réunissant ses œuvres et ses émotions sincères dans un livre captivant. Dans le cadre du Salon des Signatures, Rania Azoury signe son premier livre, My two homes, paru aux éditions Artliban Calima, le mercredi 3 décembre 2025 de 16h à 19h à l’Ordre des Médecins - Tohwita. 

 

Vous êtes passée de l’illustration à l’écriture dans ce projet. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de médium, et en quoi le processus de narration a-t-il été différent pour vous ?

Dans les années qui ont précédé l’écriture du livre, j’ai créé plusieurs illustrations inspirées de ce que nous avons vécu : la crise économique au Liban, l’explosion, puis notre déménagement à Dubai. Les murs ternes et ennuyeux de mon nouveau foyer ont déclenché chez moi une vague de créativité. Cet espace, mon espace devait représenter mes ressentis. Une fois ces œuvres terminées, je me suis demandée quelle serait la meilleure façon de les rassembler. Au départ, j’imaginais un livre présentant les dessins accompagnés d’un court paragraphe descriptif. Mais lorsque j’ai commencé à écrire, j’ai éprouvé le besoin viscéral d'aller plus loin dans l'expression de mes émotions. D'un coup, je me suis retrouvée à tout déverser sur les pages blanches d’un fichier Word : la frustration, la lourdeur, le besoin de libération. Ce fut une véritable explosion. Une fois lancée, je ne pouvais plus m’arrêter. Ça faisait un bien fou. 

 

L’appartement de Dubai devient une sorte d’espace confessionnel, où s’échangent des histoires soigneusement mises en scène de familles “parfaites”. Qu’avez-vous cherché à révéler ou à questionner à travers ces récits idéalisés ?

Depuis mon mariage, j’ai déménagé à plusieurs reprises. À chaque nouveau départ, il fallait s’adapter, apprivoiser l’espace et le modeler peu à peu pour en faire un véritable foyer. Cet effort, souvent intense, ne durait que quelques années avant qu’il ne faille de nouveau partir, laissant la place à une autre famille, avec ses coutumes, sa culture et son propre style de vie. Avec ce roulement continu, on finit par se demander : si ces murs pouvaient parler, quelles histoires raconteraient-ils ? Ils sont les témoins silencieux des moments intimes, des naissances, des joies et des épreuves de chaque famille.

 

À Dubai, beaucoup viennent chercher de meilleures opportunités, une carrière ou un certain art de vivre, mais rares sont ceux qui s’y installent durablement. Les gens vivent intensément le présent, puis se lancent vers la prochaine aventure. Imaginez combien de familles ont dû rester dans la même maison au fil des années, toutes en quête d’une vie de rêve. À travers ces récits idéalisés, j’ai voulu interroger la nature éphémère du foyer, les histoires invisibles qu’il abrite, et ce besoin profondément humain d'atteindre la perfection, même si ce n’est que pour un instant. 

 

Dubai est présentée comme une ville raffinée, bien organisée et sécurisée, mais aussi distante. Que révèle ce contraste sur ce que signifie, se sentir « chez soi » ?

Le foyer, c’est là où se trouve votre famille, mais c’est aussi l’endroit où l’on se sent vraiment en sécurité, où l’on peut s’imaginer passer ses années à venir entouré de ses proches, en étant sûr que l’on sera heureux. C’est là où se trouvent vos racines dans un lieu qui ne vous lâchera jamais, où chaque coin de rue renferme un souvenir. Le contraste entre confort et appartenance souligne la différence entre une maison et un véritable foyer : la ville peut offrir confort et opportunités, mais le sentiment d’appartenance, celui d’être réellement “chez soi”, est lié aux racines, aux souvenirs et à la présence durable de la famille. 

 

Il existe une tension entre l’évasion et le retour qui traverse tout le récit. Pensez-vous que cela soit une condition particulièrement libanaise, ou plutôt une expérience universelle de diaspora et de déracinement ?

 

La plupart des gens quittent leur pays pour une meilleure qualité de vie, mais pour nous, il s’agissait surtout de sécurité. Nous avons tenté de rester le plus longtemps possible, et comme tout un chacun nous aspirions à une vie normale, à une tranquillité d’esprit. Même après notre départ, bien que physiquement éloignés, notre cœur reste attaché à la famille restée au pays, et l’on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’elle traverse. Cet éternel débat entre vouloir partir et vouloir rentrer est typique du Libanais, mais, en réalité, toute personne vivant loin de chez elle peut la ressentir. 

 

Malgré le confort et la sécurité que Dubai offre, vous avez finalement choisi de revenir au Liban. Pourquoi maintenant ? Que peut encore offrir le Liban, même au cœur de l’effondrement politique et économique ?

Je voulais rester encore un an, espérant un semblant de solution ou même une amélioration, mais compte tenu de mon expérience, la situation empire avant de s'améliorer. J’ai pensé qu’il serait donc préférable d’être loin lorsque le pire arriverait. Mais comme mon mari souhaitait rester au pays pour être plus proche de sa mère, je ne cessais de me dire que si quelque chose arrivait pendant notre absence, je ne me pardonnerais jamais.

 

Nous avons donc décidé de revenir même en plein marasme politique et économique tout simplement pour être aux côtés de nos mères respectives et aux côtés des personnes qui comptent pour nous. 

 

Vous mentionnez le 7 octobre comme un tournant qui « a tout changé ». En quoi ce moment a-t-il été différent des autres crises que vous avez traversées, surtout en tant que personne ayant grandi pendant des périodes de guerre et d’instabilité ?

La différence, c’est que je suis maintenant mère, et je ne voulais pas que mes enfants traversent les mêmes épreuves que nous avons vécues étant enfant. On dit que les crises rendent plus fort… mais je préfère de loin puiser ma force dans d’autres expériences de la vie, moins douloureuses. 

 

Dans le livre, le foyer n’est pas seulement un lieu, mais un paysage psychologique. Comment définissez-vous le « chez-soi » aujourd’hui ?

Pour moi, le foyer aujourd’hui, c’est ma famille et mes routines journalières qui me permettent de rester ancrée, de me détacher de la dure réalité qui nous entoure. Je crois fermement qu’il n’existe pas de solution facile à notre crise, alors je m’évade à travers de petites joies : marcher dans la nature, peindre, lire, danser, faire du sport ou sortir avec des amis. Ces moments créent un sentiment de foyer et de stabilité dans un monde par ailleurs incertain. 

 

Qu’espérez‑vous que les lecteurs libanais retirent de ce livre ?

J’espère que ce livre rappellera aux lecteurs libanais qu’ils ne sont pas seuls, et qu’ensemble, nous partageons ces mêmes montagnes russes de la vie. 



 

 

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