Ta promesse, Camille Laurens, Gallimard, 2025
Ouvrir un livre de Camille Laurens est déjà en soi une promesse, que serait-ce avec un titre aussi prometteur ? C’est donc avec enthousiasme qu’on aborde ce roman d’amour.
D’emblée on est situé un peu sur son enjeu. C’est l’histoire d’une femme qui vit une relation idyllique. Elle est romancière et lui un artiste pluridisciplinaire. Il lui demande de lui faire une promesse : de ne jamais écrire sur lui. Et elle, en contrepartie, exige qu’il ne la trompe jamais.
Sauf que, assez vite, on comprend qu’elle est accusée de meurtre. Pourquoi et comment ?
C’est là que se déploie le talent de l’autrice, membre de l’Académie Goncourt, qui utilise plusieurs procédés pour avancer dans cette sorte de « polar ». La voix de l’héroïne, Claire, retrace les évènements à partir de son point de vue, mais pas uniquement. Comme par coups de pinceaux, d’autres témoignages et les accusations du procès nous révèlent une partie de la réalité. Autant de « voix » qui interviennent comme pour relancer l’énigme.
Le plus de Camille Laurens c’est l’emploi de plusieurs procédés littéraires pour livrer son récit. Les sentiments s’expriment parfois en vers, les dialogues, hachurés (sans retour à la ligne) rendent compte des moindres détails, les nombreux flash-backs participent à élucider la tragédie qui semble être de plus en plus engluée. Et pour cause, c’est vraiment une relation hautement toxique que Claire vit et qui se révèle au cours des 350 pages très denses. On y voit une violence psychologique meurtrière qui la conduit à l’instabilité émotionnelle, au manque de confiance, à la dépression et jusqu’au désespoir. Nous sommes pleinement dans la description des pensées, attitudes, et surtout méthodes des pervers narcissiques et bien entendu des retombées dramatiques que leur comportement génère.
Pour traduire cet amour raté, la romancière et c’est là sa force, nous introduit dans le tourbillon dévastateur de son héroïne à travers ses réflexions intimes. On y retrouve la méconnaissance profonde de l’autre, les illusions qu’on se fait sur ses sentiments, l’invisibilité des véritables victimes, l’emprise psychique, « nouvelle forme de domination masculine »…
Un grand livre sur l’amour radieux, épanoui, exalté, mais aussi, pleuré, crié, torturé, ravagé, meurtri… Et beaucoup de phrases qui résonnent : « L’amour c’est quand on y croit. Seul le temps fait obstacle, une peccadille se met dans les rouages et c’en est fini. Dans le temps, rien ne tient, les fétiches sont en carton-pâte. L’amour, c’est tant qu’on y croit. »
Le livre est disponible à la Librairie Antoine
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