Beyrouth sentimental, Daniel Rondeau, Stock, 2023
Attirée par le titre et la couverture (trois arcades d’une vieille maison libanaise) qui rappellent mon « Beyrouth Tendresse », publié un an plus tôt suite au drame du 4 aout 2020, quand la maison de mon enfance (dont la photo fait la couverture de mon livre) a été détruite par l’explosion apocalyptique du port. Je connaissais très vaguement Daniel Rondeau. Lors de son élection à l’Académie française, j’ai su qu’il était non seulement écrivain, mais aussi un diplomate français qui connaissait bien le Liban. J’aborde l’ouvrage donc avec curiosité.
Dès les premières lignes je suis happée par le style poétique, le souffle de l’écrivain et surtout par les innombrables détails qu’il révèle non seulement sur Beyrouth, mais sur toute l’Histoire du Liban et encore plus étonnant, sa profonde connaissance profonde des rouages de la politique libanaise. Dans un style qui se rapprocherait des chroniques, c’est une vraie approche de journaliste, qui sous-tend l’essai (?) le récit (?) le carnet de voyage (?).
Comme on déballerait ses souvenirs, l’académicien rapporte des faits réels que même les Libanais ne connaissent pas; il croque des personnages illustres qu’il a fréquenté de très près et mentionne même rapidement ses relations avec d’autres personnalités rencontrées en chemin (sans que l’on ne sache trop pourquoi). Il y décrit des conversations que seuls quelques rares privilégiés ont eu l’opportunité d’écouter (comme la rencontre du Président Macron avec Feyrouz).
En fait, l’auteur, qui a été interdit de séjour pour quelques années à la suite de son livre « Chronique du Liban rebelle » (qui a même a provoqué l’arrestation des libraires qui ont osé le vendre), du fait de sa stature de diplomate était au courant de décisions, de confessions, de magouilles dont il nous livre, sur plus de 200 pages, beaucoup d’extraits très intéressants pour ceux qui ont vécus notamment les années 89-90, mais pas que.
Ce n’est pas tout, il y a là aussi un regard amical et une description affectueuse de tout ce qui fait le charme de ce pays qu’il aime particulièrement. « Chaque nouvel attentat tétanisait la population. Puis la vie repartait et se dérobait aux consignes. Le soleil, rarement absent, même en hiver, invitait au sourire. La vie était un jeu. Et les manières libanaises, uniques dans le raffinement, dans la générosité, dans la flamboyance, dans l’insouciante façon de se présenter face au destin, brisaient cette tension. Chacun baissait sa garde ».
C’est tout l’attrait de ce livre que Rondeau exprime d’ailleurs spontanément à la page 145, à l’occasion d’un de ses retours à Beyrouth par bateau en 2009 avec un groupe d’écrivains : « Écrire était une vocation à Beyrouth. La ville avait été fondée il y a près de sept mille ans, à proximité de Byblos, où arrivaient les bateaux chargés de papyrus. J’allais pouvoir rendre hommage, au nom de mon pays (la France) à ceux que j’aimais et dont je m’appliquais à connaître et à consigner les vies sur mes carnets de vagabond. »
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