Infatigables, animés par la foi qui déplace les montagnes, opiniâtres et résolus, Marina et Ghassan Moukheiber travaillent inlassablement à la renaissance de LeBAM. Cette association qui depuis 2008 offre aux jeunes un enseignement musical d’instruments à vent, basé sur la pratique orchestrale et qui se remet du choc de 2019, se reconstruit lentement mais sûrement.
En 2019 vous aviez sept orchestres à travers tout le Liban et puis soudain avec la crise, tout s’est arrêté ?
Oui et c’est en cela que nous avons l’impression de vivre en permanence le mythe de Sisyphe, qui est d’ailleurs un syndrome pouvant s’appliquer à tous les Libanais : Il s’agit d’un mythe de l’antiquité qui raconte l’histoire d’un homme condamné par les dieux à rouler indéfiniment un rocher en haut d’une colline, lequel redescend invariablement juste avant d’atteindre le sommet. Nous avons quand même réussi à garder un orchestre composé de jeunes adultes, mais nous avons dû renoncer aux orchestres d’enfants.
Pour quelles raisons ?
Tout d’abord la crise financière bien sûr qui a fait que le nerf de la guerre, le financement est venu drastiquement à manquer. Mais autre conséquence encore plus grave, cette crise et l’explosion du 4 août 202 ont conduit un grand nombre de musiciens à quitter le Liban dont nos principaux instructeurs. Il faut préciser que les instruments à vent ne sont pas particulièrement enseignés dans notre pays, d’où le fait que nous essayons de les faire connaître et apprécier. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans une situation très compliquée et n’avons pu garder qu’un seul orchestre.
Vous remontez toutefois la pente (tel Sisyphe !) en ayant repris l’enseignement du samedi matin en période scolaire et en ayant organisé un camp d’été pour la première fois depuis 6 ans ?
Oui nous avons repris l’enseignement pour les enfants de 6 à 14 ans à l’Alba et nous venons de clôturer notre camp d’été qui a compté 70 participants (contre 350 avant la crise !), exactement dans le même lieu que le tout premier camp, il y a 16 ans, à l’école officielle de Beit Mery. Le camp s’est clôturé par un concert très réussi avec les élèves qui étaient divisés en trois catégories : débutants, intermédiaires et avancés.
Qui en étaient les enseignants ?
Certains professeurs libanais vivant au Liban, d’autres Libanais également venant de l’étranger, un tromboniste roumain venu exprès au Liban, sans compter notre directeur musical Sergei Bolum, Roumain lui aussi. Nous avons également quelques grands élèves qui sont capables d’enseigner aux plus jeunes.
Quel est votre lien avec DEMOS (anagramme de Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), projet de démocratisation culturelle centrée sur la pratique musicale en orchestre, en France ?
Nous sommes dans une phase de discussion et d’échange avec DEMOS et nous aimerions beaucoup nouer un partenariat de longue durée avec cette association qui effectue un travail formidable à travers la France et commence à exporter le concept.
Que faut-il vous souhaiter ?
De durer et de nous développer, de trouver des partenaires financiers et bien sûr de pouvoir former de nouvelles générations. Déjà cet été chaque professeur avait deux assistants qui sont capables d’assurer l’enseignement durant l’année scolaire. Dans l’orchestre, il nous manque certains instruments comme le cor d’harmonie. Nous n’avions pas de professeur alors que quatre élèves étaient intéressés par l’instrument. N’est-ce pas dommage ? Il nous faut aussi lutter contre la résistance de certains parents qui considèrent par exemple que le tuba ou le trombone ne sont pas des instruments pour les filles ! Mais après le concert, ils étaient totalement convaincus. D’ailleurs regardez vous-même la vidéo ici.