ArticlesEvénements
Aujourd'huiCette semaineCe weekend

Pour ne rien manquer de l'actualité culturelle, abonnez-vous à notre newsletter

Retour

Partager sur

single_article

Le Musée Mim : Lorsque deux passions émerveillent une nation

06/05/2025|Noha Baz

Le Musée Mim collection privée des minéraux de Salim Eddé :

Lorsque deux passions émerveillent une nation



“Don't ask what your country can do for you, but what you can do for your country.”
« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez lui apporter. »

Les mots du discours d’inauguration du musée Mim, prononcés par Salim Eddé le 12 octobre 2013, résonnent encore sur les murs du campus du sport et de l’innovation de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, et dans le cœur de toutes les personnes qui avaient eu la chance d’y assister.
Un impeccable discours trilingue, suivi de fabuleux tableaux de sons et lumières, avait déjà ce jour-là fait vibrer Beyrouth et émerveillé un parterre choisi — un mélange de minéralogistes, d’officiels et d’amis venus du monde entier.

La passion de Salim pour les minéraux, je l’avais découverte bien avant la naissance du musée Mim, lorsqu’il déballait, avec des étoiles dans les yeux, quelques trésors enveloppés d’un simple papier journal.
La palette chatoyante des pierres et les feuilletages des roches surgissaient alors de petites boîtes en carton qu’il tentait, au grand dam de sa mère, de dissimuler aux quatre coins de sa chambre — jusque sous son lit.
L’émerveillement était à chaque fois au rendez-vous. Voir progressivement la collection s’étoffer, partager son enthousiasme à presque chacune de ses acquisitions… Assister ensuite à la naissance de ce magnifique écrin où elle se trouve aujourd’hui, l’aider à départager les diverses propositions de logos — de cette lettre arabe م qui se prononce Mim— a été comme suivre une naissance. C’est dire…


Polytechnicien, Salim est également ingénieur chimiste diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), et titulaire d’un MBA (section finances) de l’Université de Chicago.
Cofondateur en 1986 de la société Murex, spécialisée dans les logiciels financiers, il a l’habitude de jongler avec chiffres et atomes.
Sa curiosité scientifique, légendaire et insatiable, est un excellent début pour devenir collectionneur. En bon chimiste, les minéraux l’attirent par les interrogations scientifiques qu’ils soulèvent : Comment se sont-ils constitués ? Quelles sont leurs propriétés physiques et chimiques ?

Formé chez les jésuites, mais aussi à l’école de son père — l’inoubliable Michel Eddé, collectionneur d’art et numismate de renommée internationale —, il sait que pour constituer une grande collection : « Il faut acquérir au moins le meilleur… et le dépasser si possible. »



L’histoire du musée Mim commence un jour de février 1997, à Paris. Dans la Ville Lumière, ce jour-là, le sol était — comme aime à le dire Salim — « à un centimètre au-dessus du sol ». Déambulant dans le quartier Saint-Germain, il est attiré par l’éclat de cristaux dans une vitrine de la rue Guénégaud, bien connue alors des collectionneurs. Il pousse la porte de la boutique de Michel Cachoux, une référence dans le domaine, qui se lance dans une présentation passionnée des spécimens exposés, puis montre à Salim des pièces uniques entreposées à l’étage des minéraux fabuleux réservés à quelques collectionneurs triés sur le volet.

Salim est totalement subjugué, passionnément conquis.
Les semaines suivantes, il arpente avec fougue tous les musées parisiens dédiés aux minéraux : le Muséum d’Histoire Naturelle, l’École des Mines, et Jussieu (UPMC - Université Pierre et Marie Curie).
Particulièrement ébloui par la collection de Jussieu, il entre en contact avec Jean-Claude Boulliard, directeur et conservateur des lieux, qui deviendra son mentor dans la construction patiente de sa collection.


Les étoiles s’alignent, la période est propice : de nombreuses collections sont mises en vente, parallèlement à de magnifiques découvertes un peu partout dans le monde — en Chine, au Pérou, au Pakistan, en Afghanistan, au Congo…À chaque fois qu’une pièce est mise sur orbite, Salim rafle la mise, et ce sont toujours les plus belles.

La collection s’est étoffée au fil des ans. Elle compte aujourd’hui 2200 spécimens de qualité ultime, illustrant 480 espèces minérales provenant de 70 pays. Depuis 2017, s’y ajoute une collection des plus beaux fossiles du Liban.
Le tout est géré de main de maître par Suzy Hakimian, curatrice du musée, secondée par Carole Attallah, sous la supervision permanente — et les encouragements constants — de Salim.


Le coup de foudre qui est naît un jour de février s’est transformé en véritable passion. Comment expliquer en quelques mots cette fascination ?

« Je n’ai jamais été doué pour sculpter ou dessiner, d’où mon émerveillement pour ces cristaux aux formes géométriques parfaites, aux couleurs surprenantes visibles à l'œil nu, qui révèlent de façon extraordinaire la géométrie microscopique de l'empilement des atomes.
C’est extraordinaire qu’ils se soient formés sans aucune intervention humaine, mais grâce aux seuls effets de la nature : la température, la pression, l’action incroyablement complexe de l’eau… et surtout du temps. »


Les minéraux sont les fleurs du monde souterrain. Une phrase qui illustre parfaitement la palette de couleurs, la transparence et la délicatesse de ces minéraux. C’est de la poésie.

Effectivement, les minéraux offrent une palette infinie : du rouge vif du rubis au bleu profond de l’azurite, en passant par les irisations de l’opale ou de la labradorite.
Ces couleurs proviennent d’impuretés, de métaux, ou de réactions chimiques internes.
Certains minéraux, comme le cristal de roche ou la calcite, jouent aussi avec la lumière : effets de transparence, d’iridescence ou de réflexion. L’œil humain en perçoit les nuances… et devine le vivant.


Le minéral, une écriture de la Terre. Le minéral n’est pas seulement un éclat :
C’est une écriture gravée par les profondeurs de la Terre, qui parle en structures et murmure en éléments. Ces roches constituent une mémoire, un véritable dialogue entre l’homme et la Terre.

Tout à fait ! Chaque spécimen est le fruit d’un lent processus géologique, souvent sur des millions d’années.
Les cristaux, comme le quartz, la fluorite ou la pyrite, se forment selon des structures régulières presque mathématiques : cubes, prismes, octaèdres…
D’autres révèlent, par leurs surfaces rugueuses ou feuilletées, les histoires de volcans, de pressions tectoniques, de fluides hydrothermaux…


Est-ce que les diverses crises et surtout les derniers événements et les bombardements intenses de Beyrouth durant des derniers mois ont soulevé chez toi et l’équipe du musée des inquiétudes ?

Je ne remercierai jamais assez le Père René Chamussy qui, en 2003, enthousiasmé par mon idée de rendre la collection publique, a immédiatement réservé 1300 m² au sous-sol d’un immeuble alors en construction.
L’Université Saint-Joseph est un vaisseau sûr, et le musée est situé sur le campus de l’innovation, de l’économie et du sport — dans un immeuble solidement construit.
Les salles d’exposition sont blindées au sol, au plafond et aux murs. Lors de l’explosion du port en août 2020, seule la porte d’entrée en verre a volé en éclats. Le sous-sol, lui, n’a pas été affecté.
Même durant les bombardements de fin 2024, nous n’avons pas eu d’inquiétude (tant que le campus n’était pas visé, ce qui heureusement n’a pas été le cas).


Malgré la situation instable du pays tu as continué à étoffer ta collection sans relâche, comme un chant d’espoir et malgré toutes les difficultés

Durant les 12 derniers mois, plus d’une centaine de minéraux ont été acquis : plusieurs grands échantillons spectaculaires (tourmalines, rhodochrosite, topaze géante de 130 kilos), ainsi que des minéraux rares. Tous ont été transportés à la main par moi-même, à raison d’un voyage par mois à Paris — y compris au plus fort des bombardements.
La section paléontologie libanaise s’est aussi enrichie d’une vingtaine de plaques exceptionnelles, issues de la région de Jbeil.


Toujours à l’affût de nouvelles idées Salim, de nouveaux projets à venir sont en préparation. Peux-tu nous en dire un mot ?

L’évolution du musée suit deux axes :

·       L’amélioration continue des deux sections actuelles (minéralogie et paléontologie), via acquisition et rotation des pièces.

·       La création d’une nouvelle section sur la faune et la flore du Liban contemporain.
Une extension de 750 m² mitoyenne à la section Paléontologie est déjà obtenue, et un atelier d’activités pour enfants y sera également installé.



Justement à propos d’enfants, je sais qu’il est difficile pour un père de choisir entre ses enfants mais y a-t-il une parmi ces merveilles pour lesquelles tu aurais une petite préférence ?

La question est difficile … Certains minéraux ont été très difficiles à acquérir. D’autres sont uniques par leur rareté, leur esthétique ou leur importance dans l’industrie…

Il finit par m’avouer, presque en chuchotant :

« L’euclase… parce que sa couleur bleue se charge au fil du jour et de la lumière de mille nuances, parce qu’elle présente des formes très complexes. Il y en a deux dans la salle du trésor… c’est la plus petite qui a ma préférence. »

Dans les pages de ce livre de roches et de cristaux qu’est le musée Mim, dans ses allées bien agencées en huit sections, que j’arpente régulièrement comme une séance de méditation, laissez-vous aussi aller à la rêverie…
Une visite au Mim Museum est un bol de vitamines pour les yeux, l’âme et le cœur.

J’ai toujours aimé les bâtisseurs.
Ceux qui, en retrait volontaire, édifient en silence des cathédrales.
Ceux qui gardent le Liban comme un trésor, et qui — avec la vivacité du mercure et la pureté de l’aigue-marine — le transmettent avec l’élégance du quartz blanc.
Ceux avec qui l’espoir est encore plus fort.
Les vrais. Les purs, qui nous permettent de croire encore que, malgré tempêtes et naufrages, le Liban restera toujours debout.


Merci Salim, pour cette déclaration d’amour au Liban !


📍 Musée Mim
Campus de l’Innovation et du Sport – Université Saint-Joseph, rue de Damas, Beyrouth
📞 Téléphone : +961 1 421 672
📧 Courriel : info@mim.museum
🌐 Site internet : www.mim.museum
🕙 Horaires : 10h–13h, 14h–18h (fermé les lundis)



 

thumbnail-0
thumbnail-1
thumbnail-0

ARTICLES SIMILAIRES

Depuis 1994, l’Agenda Culturel est la source d’information culturelle au Liban.

© 2025 Agenda Culturel. Tous droits réservés.

Conçu et développé parN IDEA

robert matta logo