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Le mariage

MAG

17/09/2025|Ramzi Salman

Une phrase très entendue chez les Libanais ;

‘Sorry, nous avons un mariage’.

Ils vous l’annoncent comme s’ils allaient assister à La Traviata.

L’évènement de se marier au Liban est devenu une hantise!

Une occasion à ne pas rater.

Surtout pour les fomos qui ont le ‘fear of missing out’.

Ceux-là doivent absolument faire partie de tout ce qui bouge.

Le mariage de nos jours ressemble à un conte de fée.

Mais un faux.

Des mises en scène conçues jusqu’au plus petit détail.

Une compétition pour montrer qu’on a les moyens.

Des clichés pour montrer le parfait bonheur de la vie à deux.

Même si celui-ci se termine un an plus tard en queue de poisson.

Ce n’est pas une simple fête de village ou une chaleureuse rencontre de famille.

C’est du grand spectacle. Un art. Mais un art qui n’a rien d’artistique.

Tout d’abord on ne se marie plus sans engager un ‘wedding planner’.

Les wedding planners sont devenus aussi nombreux que les coiffeurs.

On pourrait les décrire comme les Steven Spielberg du mariage.

Ils dirigent toute l’affaire. Tout le monde suit leurs instructions, le marié, la mariée, les parents, les invités. Un wedding planner digne de ce nom porte toujours un walkie-talkie pour donner des instructions et mener le jeu.

Les mariés ne se hasardent même plus à s’embrasser sans sa permission !

Sous ses directives agit une nuée de professionnels ; l’arrangeur floral chargé du concept des fleurs et de leur exécution, l’éclairagiste qui tamise la lumière dès que les tourtereaux rentrent en scène, le DJ, créateur d’ambiance qui joue de la musique glamour à l’arrivée des invités, cérémoniale comme la ‘zaffé’ à l’apparition de la mariée, une marche nuptiale à leur union, et surtout ‘Rocky’ à la découpe du gâteau. Et pour couronner, il transforme le lieu en Studio 54 avec les rythmes endiablés de David Guetta et de Amro Diab.

Je vous épargnerai le choix du buffet, la robe de la mariée, le gâteau gratte-ciel, les feux d’artifices, la cérémonie du lancer du bouquet, le sabrage du champagne, le tout chapeauté par des drones pour immortaliser la 'soirée de rêve'...

Une production magistrale avec metteur en scène, scénario, acteurs, sons et lumière.

Finalement, le jour J arrive et le spectacle commence.

On s’attable, on envahit le buffet, on s’empiffre, on allume des cigares.

Cela terminé, la musique change à nouveau, et la lumière aussi.

C’est le moment du premier acte, celui où va apparaître le marié.

Il arrive en se dandinant avec ses jeunes copains aux corps d’Apollon portant des costumes serrés et des chaussures sans chaussettes, ne me demandez pas pourquoi.

Il est précédé évidemment par des bédouins dansants, avec épées, boucliers et tambours qui vous font sursauter. Il est porté sur les épaules ...

Ensuite la musique s’arrête à nouveau.

Nouvelle surprise ! On se calme ...

C’est l’apparition de la mariée !

On pousse cris et ébahissements...

Elle arrive aux bras de son père qui imite ‘captain Von Trapp’ de ‘Sound of Music’ dans sa marche princière.

La mariée elle, est précédée de petits bambins si mignons, arrosée de riz et de pétales au passage.

Je vous épargne aussi la passation de la fille au jeune époux, la première danse, les speechs barbants, jusqu’aux déhanchements au rythme de ‘I will survive’.

Pour toutes ces raisons, je fuis les mariages.

La plupart du temps...

Car récemment je suis allé à un mariage.

Celui du fils d’un de mes amis. Où j’eus le plaisir de retrouver mes vieux copains, des frères qui m’ont accompagné dans ma vie. Nous nous retrouvâmes chaleureusement à travers embrassades et accolades. Nous causâmes par petites phrases, car dans des évènements pareils, le superficiel est de rigueur.

Faut respecter l’esprit mondain de la chose.

À un moment de la soirée, je quitte ma table pour aller chez les femmes, causer avec elles.

D’habitude je cause avec les hommes, comme tout oriental digne de ce nom.

Mais là j’avais envie de parler aux femmes de mes amis, envers qui j’ai beaucoup d’affection.

Il y avait la veuve d’un ami décédé récemment à la suite d’une longue maladie.

Il y avait une autre épouse qui en avait bavé toute sa vie de son mari car il avait commis tous les péchés de la terre.

En dépit de tout, elle était restée belle et élégante.

En face d’elle, la femme d’un troisième ami pour qui j’ai aussi beaucoup d’affection et qui me regardait avec un regard chargé de non-dits.

Je lançai inopinément une phrase ;

‘Que de choses mes amies, avons-nous tous vécus . Que de malheurs ... que de joies ! Nos parcours n'ont pas été faciles ...’

Et soudain ces femmes abandonnèrent leurs masque mondain.

Elles me fixèrent avec émotion.

La première parla son mari défunt.

La deuxième nous avoua qu’elle avait finalement divorcé de son insupportable mari.

La troisième elle, nous parla avec nostalgie du bon vieux temps.

Le moment était intense. Il y avait de la tendresse en l'air.

Et pour alléger l'ambiance je lançai à nouveau;

‘Je croyais que notre vie n’était qu’un long fleuve tranquille. Impeccable comme ce mariage ... ’.

Un éclat de rire général s'ensuivit.

J’étais content de retrouver de la sincérité au milieu de cette pièce de théâtre, et l'essence de la Vie.

Jamais tout à fait parfaite, jamais tout à fait dramatique...

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