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Lancement de l’album ‘Beyrouth malgré tout’

24/10/2024

A travers l'histoire de Robert Sacy, racontée par Sophie Guignon et Chloé Domat, correspondantes au Liban et illustrée par Kamal Hakim, dessinateur libanais, cet album est une fenêtre pour comprendre le Liban contemporain. Entre engagement, combat et espoir d'un avenir plus clément. Dr Sacy est décédé le 10 mai 2024 d’une crise cardiaque. Cet album lui est dédié.

 

Cet album retrace l'histoire de Robert Sacy, un médecin libanais.

Âgé de 73 ans, le docteur a eu une vie mouvementée à l'image du Liban. Il a traversé la guerre civile libanaise (1975-1990) et la reconstruction des années 1990-2000. Pour plus de justice sociale dans un pays où les inégalités sont la règle, il crée le premier service public de pédiatrie à Beyrouth en 2016. Il participe ensuite aux soulèvements populaires de 2019 aux côtés de la jeunesse du pays avec beaucoup d'espoir, puis voit son hôpital détruit par l'explosion du port de Beyrouth en 2020. C'est à cette occasion tragique que les auteurs de ‘Beyrouth malgré tout’ ont rencontré le docteur Sacy, hagard, dans les ruines de son hôpital soufflé par la déflagration. De cette rencontre est né un reportage pour Arte, Liban : dans le chaos des hôpitaux (nominé au Festival International du Grand Reportage d'Actualité – FIGRA). Depuis le médecin s'est relevé. Il a fait face depuis à l'effondrement économique du pays et au spectre du retour de la guerre depuis octobre 2023.

 

Rencontre avec les auteurs

 

De nombreux protagonistes ont traversé l’histoire mouvementée du Liban, pourquoi avoir choisi de la raconter à travers Dr Sacy ?

 

Sophie : Nous avons choisi le docteur Sacy car il a fait partie des rencontres fortes que nous avons faites ces dernières années au Liban, après l’explosion du port de Beyrouth. C’est un personnage surprenant, qui a beaucoup vécu et changé. Dans sa jeunesse, il s’est engagé aux côtés des milices chrétiennes de droite en tant qu’ambulancier pendant la guerre civile et il a fini sa vie au chevet des plus pauvres qu’ils soient Syriens, Palestiniens ou Libanais à l’hôpital de la quarantaine. Quelque part, son parcours est un message d’espoir.

 

Chloé : L’idée était d’avoir un personnage fil rouge qui permette de raconter l’histoire du pays, ses soubresauts et ses crises, des années 1950 à nos jours, avec un ton personnel et une pointe d’humour. De plus, ce qui m’a touché chez Robert Sacy c’est son engagement pour le service public dans un pays où l'État est en faillite.

 

Kamal : je suis d’accord avec ce que Sophie a évoqué, c’est un personnage qui nous a touché, qui a touché beaucoup de Libanais et qui rassemble, et on a besoin de récits qui rassemblent plus que tout aujourd’hui.

 

Le Dr Sacy nous a depuis quitté, quel souvenir gardez-vous de lui ?

 

Sophie : Celui d’un homme qui a toujours plein d’anecdotes. C’était quelqu’un qui avait beaucoup d’humour, toujours avec un fond d’optimisme même dans les moments les plus durs. Quelqu’un de très déterminé aussi, pour résoudre les problèmes, lever des fonds, faire fonctionner son service de pédiatrie.

 

Chloé : Celui d’un homme toujours souriant, très actif, partant pour toutes sortes de projets.

 

Kamal : infatigable c’est sûr. Il avait beaucoup d’humour et d'autodérision, et un homme pareil ça m'inspire confiance.

 

Parlez-nous du processus créatif. Quels ont été les principaux challenges ? Combien de temps a-t-il pris pour voir le jour ?

 

Sophie : Pendant un moment, on a eu du mal à ajuster l’angle de notre BD. Était-ce une biographie du Dr Sacy ? Un roman graphique exposant aussi notre regard en tant que journalistes et dessinateurs ? On a fini par assumer que c’était les deux. Ça permettait de parler aussi de la vie quotidienne dans un Liban en crise. On a dû travailler assez rapidement - surtout Kamal au dessin. Entre le scénario et le rendu des planches, on a accouché de cette BD en un an. 

 

Chloé : Oui un an, avec beaucoup d’autres projets en parallèle. Il y a eu des défis logistiques, trouver le temps de travailler sur cette bande dessinée entre les reportages, et puis poser la structure. Mais une fois que le découpage des chapitres était trouvé, ça s’est déroulé tout seul. On a hésité sur la fin et puis malheureusement elle s’est imposée d'elle-même.

 

Kamal : Travailler en couple (avec Sophie) ce n’est pas facile. Blague à part ça nous a pris 9 mois. Je n’ai pas beaucoup dormi mais j’ai eu la chance de travailler avec de sacrées bosseuses et ça stimule de travailler avec des personnes qui placent la barre très haut.

 

 

Quel est votre message principal à travers cet album ?

 

Sophie : Je crois qu’on a vraiment bien choisi notre titre malheureusement. “Beyrouth, malgré tout”, malgré la crise, malgré l’explosion du port et malgré la guerre maintenant. Le Dr Sacy et d’autres personnages de la BD incarnent à mon avis des modèles pour l’avenir, des sources d’inspiration pour faire société et faire nation quand la guerre s'arrêtera et qu’il faudra reconstruire. On essaie aussi d’expliquer le système libanais, ce qui gangrène le pays, la classe politique, la corruption, le système confessionnel. Quelque part, on donne des clés pour éviter que la nouvelle génération ne tombe dans les pièges du passé.

 

Chloé : C’est à la fois un album qui vise à faire découvrir le Liban à un public qui ne connaît pas, raconter l’histoire contemporaine, montrer la ville par les dessins, et c’est aussi un message d’espoir mais sans naïveté. On fait notamment un détour dans le dernier chapitre par un personnage invité - l’écrivain Camille Ammoun, qui était un patient de Robert Sacy, pour déconstruire le mythe de la résilience. Montrer que ces crises successives laissent des traces indélébiles.

 

Kamal : La BD tombe à pic durant une période où notre pays a subi pendant 5 ans une succession de crises l’une pire que l’autre. Je ne crois pas qu’un autre pays aurait pu tenir ce qu’on a supporté et cerise sur le gâteau Netanyahu qui nous déclare encore la guerre. Une énième guerre que nous déclarent les israéliens. Il faut des ponts pour rassembler les Libanais. Nous avons besoin d’espoir sinon on devient fous.

 

La guerre actuelle qui touche le Liban n’avait pas commencé lors de la rédaction de cet album. Quel message auriez-vous ajouté aujourd’hui ?

 

Sophie : Je crois qu’on va devoir se lancer sur un Tome 2, si un éditeur nous lit … Blague à part, je pense souvent à ce que ferait le Dr Sacy dans de pareilles circonstances. Je l’imagine de pied ferme mobilisé à l’hôpital de la quarantaine en train de soigner les blessés, les enfants en particulier. En train de remuer ciel et terre pour mobiliser la diaspora, les donateurs autour du Liban. Mais aussi en train de dire, ça suffit, assez de guerres, de morts et de souffrance.

 

Chloé : On n’imaginait pas cette guerre mais malheureusement, je pense qu’on avait anticipé la possibilité de nouvelles épreuves et c’est un peu le sens de l’épilogue. Je pense qu’aujourd’hui plus que jamais, c’est un message de solidarité qu’il faut faire passer, et que ce message s’inscrit dans l’héritage de Robert Sacy.

 

Kamal : Je ne sais pas si ce serait digeste d’en rajouter pour un public. Imaginez un peu d’illustrer dans un format de 144 pages la folie qui s’abat sur notre pays. Je ne sais vraiment pas. Raconter une histoire c’est une question de dosage.

 

 

Beyrouth malgré tout, aux éditions Les escales Steinkis

Disponible aux librairies Antoine et Stephan et en ligne ici 


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