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‘La Lettre’ – Ces récits intimes qui rejoignent la grande Histoire

SCÈNES

25/07/2025|Nadine Nassar

Dans le cadre du projet Pièce Commune / Volksstück, La Lettre s’inscrit dans une volonté d’aller au-devant des publics. Tiago Rodrigues, directeur du Festival, invite des artistes à créer des pièces “de poche” : légères techniquement, jouables partout, avec peu de technique mais une intensité humaine qui reste intacte. Ce retour à une forme modeste rappelle l’élan de décentralisation initié par Jean Vilar en 1947 : un théâtre qui se vit en dehors des institutions, et qui s’adresse à tous. Il y a là un geste à la fois esthétique et politique : rompre avec l’idée que le théâtre de qualité doit rester dans les grands lieux, et redonner sa place au contact direct avec les spectateurs.


Milo Rau, metteur en scène suisse-allemand, connu pour son théâtre du réel (Les Derniers Jours de Ceausescu, Hate Radio, La Reprise, Antigone en Amazonie), saisit cette opportunité pour construire un récit à plusieurs niveaux: L’Histoire et les récits intimes et personnels des interprètes s’entrelacent: celle d’Arne, comédien belge, qui veut monter La Mouette d’Anton Tchekhov en hommage à sa grand-mère, présentatrice star de la radio flamande, qui rêvait de jouer la jeune Nina ou le rôle de la mère, Arkadina, mais qui est décédée au moment où Arne entrait à l’école de théâtre; et celle d’Olga, actrice franco-camerounaise, marquée par une grand-mère qui entendait des voix et qui était fascinée pour Jeanne d’Arc. Olga raconte l’histoire de cette aïeule à travers Jeanne d’Arc, Arne raconte La Mouette de Tchekhov à travers la sienne. Les récits et les rôles s’entremêlent : Olga deviendra Nina, et Arne, un prêtre qui croit ferme que Jeanne d’Arc a entendu le diable et non Dieu.




Ce qui frappe, c’est la façon dont le spectacle joue sur une “mise en abyme” où les morts reviennent sur scène grâce aux voix enregistrées – peut-être une manière d’explorer cette recherche d’éternité par la technique. Ce procédé interroge la nature même du théâtre : que voit-on réellement ? Une fiction ? Une confession ? Ou les deux à la fois ? On y parle aussi de nos vies, de ce qui les fait dévier de leurs trajectoires, des rêves qui se taisent en nous, bien avant l’ultime silence.

Le spectacle mélange les tons et les registres, on assiste au glissement des lieux et des époques. En choisissant la forme itinérante, Milo Rau rappelle que, face à la montée de discours politiques excluants, il est vital de maintenir des espaces de rencontre où l’on se parle, où l’on rit, où l’on doute ensemble. Ici, le “populaire” ne signifie pas “simplifié”, mais “accessible” : un théâtre intelligent, exigeant, qui va à la rencontre de ceux qui ne viendront peut-être jamais dans une salle classique.


Cette saison, Milo Rau présente également Le Procès Pelicot, reconstitution judiciaire d’un crime conjugal qui met en lumière les mécanismes systémiques du patriarcat. Mais La Lettre choisit un ton plus souple : un dialogue entre art, vie et mort, entre héritages familiaux et mythes collectifs, où la mémoire personnelle se frotte à la mémoire universelle. On y retrouve l’une des lignes de force du metteur en scène : raconter la grandeur et la violence des tragédies humaines, en partant de l’intime pour toucher à l’universel.


Milo Rau, qui a déjà présenté à Avignon en 2018 La Reprise. Histoire(s) du théâtre (I), aime questionner l’origine de la violence dans nos démocraties, mais aussi la montée de l’intelligence artificielle, les rêves inachevés, les regrets, la folie et les obsessions qui nous hantent. Coproduite avec le Festival de Vienne, qu’il codirige depuis 2023, La Lettre s’inscrit dans cette réflexion : explorer, avec des moyens simples mais une richesse humaine et politique profonde, ce que le théâtre peut encore offrir aujourd’hui – un espace où l’on partage des histoires qui comptent, et où l’art, au-delà de représenter le monde, tente encore de le changer.

 

Référence Photo: LA LETTRE, Milo Rau, 2025 @ Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

 

Dates de tournée après le Festival

 

Du 20 au 23 août 2025

Éclat- Centre national des arts de la rue et de l'espace public (Aurillac)

 

Du 1er au 3 octobre 2025 

Théâtre du Point du Jour (Lyon)

 

21 et 22 novembre 2025

Théâtre des Halles (Sierre, Suisse)

 

23 janvier 2026

Scene 55-Scène conventionnée d'intérêt national Art & Création (Mougins)

 

Du 28 au 31 janvier 2026

Théâtre Silvia Monfort (Paris)

 

Du 20 au 22 mars 2026

Théâtre de la Manufacture 

Centre dramatique national Nancy Lorraine

 

Du 20 au 30 mai 2026

Théâtre Public de Montreuil 

Centre dramatique national

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