L'exposition " A life in a few lines" organisée par le musée Reina Sofia de Madrid en collaboration avec les Deichtorhallen Hamburg, est la première grande rétrospective en Europe de l'artiste libanaise Huguette Caland (1931-2019), dont la vie et l'œuvre ont constamment remis en question les conventions esthétiques, sociales et sexuelles de son époque et des différents lieux où elle a travaillé. L'exposition rassemble près de 300 œuvres, dont certaines inédites, comprenant des dessins et des peintures, des textiles et des collages, pour offrir un nouveau récit de la production de l'artiste qui va au-delà des interprétations les plus fréquentes de son attitude féministe libre, de son déracinement cosmopolite et de ses prises de position manifestement apolitiques.
Le discours passera par les centres dans lesquels Caland a développé une œuvre prolifique : son Beyrouth natal convulsif, le libéralisme utopique de Paris dans les années 1970 et 1980, et la décadence bohème de la scène artistique de Los Angeles, concentrée à Venice Beach, dans les années 1990 et au début des années 2000. Dans le cadre de ce monde à la fois décolonisé et néolibéral, se révèle une multiplicité de langages - écrits et plastiques - qui configurent les aspects communicatifs, mais aussi les communications sublimées, de l'œuvre de Caland, dans laquelle la sensualité des corps et de leurs parties, des mots et de leurs corrélats, semble établir un dialogue constant. Une approche qui vise à enrichir la compréhension du spectateur des peintures et dessins érotiques les plus connus de l'artiste, enracinés dans l'éveil sexuel des années 1970, mais aussi à aborder d'autres préoccupations fondamentales telles que les communautés et les villes, les langues, l'amour, le vieillissement ou la transcendance personnelle elle-même dans l'environnement complexe de l'art contemporain.
De ses séries les plus célèbres, comme Bribes de corps, en passant par ses kaftans si particuliers, à d'autres moins connues, comme sa production importante et quasi obsessionnelle d'autoportraits, l'exposition révèlera, plus qu'une évolution stylistique des différents moments formels de l'œuvre de Caland, une série de ressources et de stratégies plastiques construites sur les couleurs et les formes, les lignes et les grilles, ou la répétition des figures, mais aussi sur les mots et les lettres qui peuplent pareillement son travail.
Artiste née tardivement, Huguette Caland a commencé à étudier l'art à l'Université américaine de Beyrouth en 1968. Son travail est actuellement représenté dans les collections du Hammer Museum de Los Angeles, du MOMA de New York et du Centre Pompidou de Paris, entre autres. En 2020, le Mathaf Modern de Doha, au Qatar, lui consacre l'exposition personnelle Faces and Places, l'une des plus complètes à ce jour.
Du 19 février au 25 aout. Musée Reina Sofia, Madrid, Espagne.
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