Ils sont deux sur scène à nous raconter comment vit un vieux couple qui s’échine à tous les coups mais qui s’aime comme savent aimer les Libanais : en se chamaillant, en levant le ton, en pestant, mais aussi en s’inquiétant, en passant outre, en assumant, en partageant le bien et le mal.
Et c’est ce qui touche le plus dans cette pièce enlevée, magistralement jouée par Cynthia Karam et Fouad Yammine, deux acteurs qui semblaient nous rejouer l’histoire de leur amour. Parce que c’est bien d’amour dont il s’agit. Celui qui se traduit par de multiples gestes quotidiens, anodins, mais qui tricotent une existence avec affection et dépassement.
Le public de Montréal, réuni par les bons soins de CANEV, la société dirigée par Camille Nassar qui a le souci de répondre aux désirs profonds des libano-canadiens, a réagi fortement et joyeusement à cette bouffée bien de chez nous.
Le rideau se lève sur une scène déjà comique. Dans une salle de bains. Lui en pyjama, debout devant la cuvette, jongle avec ses problèmes de prostate, alors que derrière la porte, sa vieille épouse, toute courbée, l’admoneste pour lui donner son linge sale et sortir de là où il s’est enfermé pour un peu de paix, à tripoter son cellulaire pour y faire défiler de belles femmes. Situation classique des « vieux amants » qui va se répercuter tout le long des 90 minutes durant lesquelles les spectateurs n’arrêteront pas de rire, de retrouver des situations familières. Tout aussi familières sont les scènes en flash-back où le vieux couple revit des scènes de leur amour naissant, de leur passé chaotique avec leur fils, la guerre, la famille, les problèmes pécuniaires… Fragments de vie de la majorité des mariés libanais que les évènements malmènent mais qui restent malgré tout soudés.
Dans une authenticité toute simple, avec beaucoup de rires, les accrocs courants de toute une vie se déroulent sous nos yeux : la belle-sœur qu’on insulte une fois le téléphone fermé, les tics des épouses qui ne sont jamais satisfaites de la chemise choisie par leur mari, l’héritage à léguer sur lequel chacun a sa propre vision… Dans l’intimité de ce duo attachant, qui nous invite à partager leur modus vivendi pour rester ensemble, aucune prétention de faire passer un message quelconque, ni politique, ni moral, mais juste une intention brillamment « montée » par Karim Chebli et Sara Abdo, celle de nous faire réfléchir sur la vie qui passe trop vite, en un battement de cils, « Ghamed 3en fateh 3en », et que dans cette farandole éphémère seul l’amour persiste.
