Beyrouth a retrouvé vendredi 17 octobre 2025 un éclat qu’on lui connaît bien : celui des projecteurs, des voix et des légendes. Dans les salles du Musée Sursock, l’exposition « Diva : d’Oum Kalthoum à Fairouz à Dalida » a été inaugurée en grande pompe sous le haut patronage du ministère de la Culture.
L’événement, attendu depuis des mois, a rassemblé un public nombreux artistes, diplomates, journalistes et amoureux de la chanson arabe venus célébrer ces femmes qui ont façonné l’imaginaire collectif d’un siècle. Le Dr Ghassan Salamé, ministre de la Culture, a pris la parole aux côtés de Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe à Paris, et de Tarek Mitri, président du Conseil d’administration du Musée Sursock. Tous trois ont salué l’importance de ce retour de la culture vivante à Beyrouth, dans un musée redevenu un lieu de mémoire et de dialogue entre les peuples. Karina El Helou, directrice du musée Sursock, a également rappelé les épreuves traversées par l’institution et souligné l’importance d’un tel événement. Elle a, en outre, remercié un à un les donateurs sans lesquels « Diva » n’aurait pas vu le jour, ainsi que l’ensemble des équipes ayant œuvré au projet.
Parmi les invités, on a pu apercevoir plusieurs figures du monde artistique et culturel libanais, réalisateurs, chanteurs, galeristes et créateurs réunis dans une atmosphère à la fois émue et festive. À noter aussi la présence de nombreux journalistes venus de France pour l’occasion.
L’exposition, présentée pour la première fois au Liban après avoir conquis Paris, Amsterdam et Amman, a su recréer l’aura de ces divas éternelles, Oum Kalthoum, Warda, Asmahan, Fairouz, Sabah, Souad Hosni, Dalida qui, par leurs voix et leur présence, ont transformé le visage de la musique et du cinéma arabes.
La scénographie, imaginée spécialement pour Beyrouth, entraîne le visiteur dans un voyage sensoriel et émouvant, entre images d’archives, extraits de concerts, robes somptueuses et installations contemporaines. Dès l’entrée, la voix d’Oum Kalthoum résonne, souveraine, avant que l’on ne découvre l’univers de Fairouz, « la Voisine de la Lune », à travers une sélection exceptionnelle de costumes dessinés par Jean-Pierre Delyfer et Samia Saab. Sous la lumière feutrée, les tissus dialoguent avec les voix, et c’est tout un pan de la mémoire libanaise qui reprend vie.
Un peu plus loin, la salle dédiée à Sabah, flamboyante et insoumise, attire tous les regards. Ses robes signées William Khoury et Papou Lahoud Saadé, étincelantes et théâtrales, rappellent l’audace d’une époque où la scène libanaise rivalisait avec les cabarets du Caire et les plateaux parisiens. Ces costumes, soigneusement restaurés, évoquent autant la chanteuse que la femme libre qu’elle incarnait.
Mais Diva ne se contente pas de raviver la nostalgie. Dans la dernière section, le visiteur découvre les regards d’aujourd’hui portés sur ces icônes : le film Les Trois Disparitions de Souad Hosni de Rania Stephan, véritable poème d’archives ; les portraits colorés de Chant Avedissian consacrés à Oum Kalthoum et Souad Hosni ; ou encore la photographie audacieuse de Mohamad Abdouni, Diva dans le rôle de Sabah, qui réinvente la légende à travers une lecture queer et contemporaine.
Entre élégance et émotion, Diva dépasse la simple exposition pour devenir une déclaration d’amour à la mémoire artistique du monde arabe. En rendant visibles les voix, les images et les gestes de ces femmes, le Musée Sursock signe une célébration de la force créatrice du féminin et de la résilience culturelle libanaise.
Dans un Beyrouth encore marqué par les blessures du passé, voir Oum Kalthoum, Fairouz ou Sabah briller à nouveau sur les murs du Sursock, c’est retrouver un peu de lumière, celle d’un monde où l’art, la beauté et la voix des femmes ne cessent de défier le temps.