Confessions de guerre
17/04/2024|Maya Trad
Documentaire / Témoignage, « Confessions of a war », réalisé par Sean Thomson, et produit par Jérôme Gray et Denise Jabbour, est un de ces outils de mémoire nécessaires, comme on aurait dû en voir beaucoup plus au sortir de la guerre civile, et qui ont pourtant beaucoup manqué.
Alors qu’aujourd’hui les stigmates sont plus présents que jamais, la projection qui a eu lieu le 13 avril dernier a agi comme une nécessité profonde de prendre le pouls du présent avec les réalités du passé, de savoir le regarder en face à travers les archives de ses combats de rues sanglants, et la parole donnée à ses anciens combattants. Il a été présenté à la date commémorative du 43ème anniversaire du début de la guerre civile dans un lieu, le cinéma Royal de Bourj Hammoud, lui aussi riche en symboles et dont la résurrection opérée par Karl Hadifé a su le préserver dans son temps, c’est-à-dire en dehors du temps, un peu comme tous ces lieux de mémoire présents dans la ville.
Basé sur plus de 200 heures d’entretiens avec des combattants qui étaient d’anciens ennemis, le film est un aveu courageux d’humanité et de sagesse. C’est un condensé de 40 minutes qui nous est donné à voir. Les réalisateurs y font le choix de ne pas afficher à l’écran les noms et les partis auxquels ces anciens combattants ont appartenu et pour lesquels il se sont battus, car après tout qu’est-ce que cela change qu’ils se soient battus au nom des chrétiens ou des musulmans puisque leurs témoignages disent aujourd’hui la même chose. Les images d’archives nous replongent dans le centre-ville transformé en champ de bataille et de ruines, le Holiday Inn, les lignes de démarcation, autant d’images qui continuent de hanter les mémoires, celles de ce no man’s lands qui a été le théâtre des pires atrocités, et surtout de la plus grande absurdité.
Or que ce soient les combattants eux-mêmes qui prennent la parole confère à ce film une force poignante qui met à nu les visages et les propos et donne à ces hommes et à ces femmes la même humanité qu’aux victimes. Car avouer, n’est-ce pas la plus puissante manière d’installer la paix ?
« Nous avons tous combattu et participé à la guerre parce que nous croyions que nous nous combattions pour une cause et pour faire en sorte que le Liban soit un pays meilleur, chacun à sa façon et en fonction de ses rêves et de sa propre vision de sa patrie. Mais en réalité, nous n’avons fait que détruire complètement notre pays. »
Rassemblés les uns aux côtés des autres sur la même estrade après la projection pour répondre aux questions du public, les anciens combattants, chargés de leurs confessions sont aujourd’hui les passeurs d’un message de paix et leur lourd vécu et ce qu’ils en ont tiré, une leçon pour les générations futures à ne pas perpétuer les erreurs du passé. Devant ces aveux-là, de nombreuses questions demeurent en suspens comme l’incompréhensible loi d’impunité qui a empêché un vrai deuil pourtant plus que jamais nécessaire.
Photos @Studio-Gilbert Karam
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