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« Café Antoine » : Une nouvelle page s’ouvre pour une librairie presque centenaire

MAG

23/05/2025|Mathilde Lamy de la Chapelle

Avec l’ouverture du « Café Antoine », au cœur de l’ABC Achrafieh, une nouvelle page s’ouvre pour une librairie presque centenaire. À cette occasion l’Agenda Culturel a rencontré Émile Tyan, PDG des librairies Antoine et de la maison d’édition Hachette-Antoine. Il revient sur l’histoire mouvementée de la Librairie Antoine, sa relation à la francophonie et son adaptation face aux défis du numérique.

 

La Librairie Antoine fête, cette année, ses 92 ans. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette longévité ?

La longévité de la Librairie Antoine repose sur une stratégie claire : inscrire la libraire dans le long terme. Pour cela, la famille Naufal a toujours fait passer l’intérêt de la librairie avant le sien, même en temps de guerre. Aujourd’hui encore, nous continuons d’investir dans les librairies, même si cela peut sembler anachronique, avec la tendance actuelle à la numérisation. Moderniser sans renier notre héritage est notre ligne de conduite. Nous avons développé un site d’e-commerce en pleine croissance, renforcé notre présence sur les réseaux sociaux, et mis en place un studio interne pour créer des podcasts et des contenus visuels. Le « Café Antoine » s’inscrit dans cette dynamique. Il reflète notre volonté d’innover pour continuer de faire vivre la librairie, et la faire vivre autrement. Ce café n’est pas un simple « coffee shop », c’est une extension naturelle de notre espace culturel, un lieu où l’on peut lire, échanger et assister à des clubs de lecture, dédicaces, événements…

 

Vous évoquez aussi une relation forte avec votre lectorat…

Aux yeux de notre lectorat, la Librairie Antoine n’est pas une librairie, c’est une institution culturelle. Nos clients ne sont pas seulement des consommateurs. Ce sont des lecteurs fidèles, parfois exigeants, qui se sentent chez eux. Lorsqu’ils sont insatisfaits – ce qui arrive dans tout commerce – ils nous critiquent, parfois vertement, mais ils restent. C’est une forme de loyauté rare. C’est aussi ce qui nous oblige à toujours nous réinventer, à faire toujours mieux.

 

Justement, comment la Librairie Antoine évolue-t-elle dans un monde de plus en plus numérique, où les habitudes des consommateurs changent ?

Le numérique est à la fois un défi et une opportunité. Il faut réinventer certains pans de notre métier. Par exemple, on ne vend plus d’encyclopédies depuis plus de trente ans. Les livres pratiques ont aussi perdu de leur attrait. En revanche, la littérature jeunesse reste très dynamique. Le livre universitaire, lui, s’est transformé : il est devenu une base de données. Nous accompagnons cette transition, même en tant qu’éditeurs.

 

L’étiquette francophone - qu’a eu la librairie à ses débuts - vous a-t-elle porté préjudice en excluant un certain lectorat, ou au contraire est-ce une richesse que vous revendiquez ?

Dans les années 2000, cette étiquette a pu constituer un frein : certains lecteurs ne venaient pas spontanément chez nous. Il a fallu repenser notre offre et notre communication pour lever ce blocage. Aujourd’hui, ce n’est plus un sujet : nous sommes même devenus la principale destination des lecteurs anglophones. Nous revendiquons notre identité de librairie libanaise, adaptée aux besoins du public libanais. Pour ce faire, chaque point de vente s’adapte à son environnement. À Achrafieh, l’offre est plutôt francophone. À Verdun, l’anglais domine. À Hamra, c’est l’arabe.

 

Vous avez traversé de nombreuses crises. Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?

La Librairie Antoine a frôlé la mort à plusieurs reprises. Pendant la guerre civile, nos librairies ont été pillées puis incendiées. Nous avons dû nous replier dans des quartiers plus sûrs. Après la guerre, il n’y avait plus de revenus. Et puis, plus récemment, la crise économique : du jour au lendemain, nous n’avions plus de capacité financière. Nous avons perdu 75 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons tout de même réussi à maintenir à flot nos 12 points de vente, dont trois sur des campus universitaires.

 

Et demain, quelle Librairie Antoine ?

Nous sommes en perpétuelle évolution. Le café pourrait devenir un modèle pour d’autres librairies du groupe. Nous explorons aussi d’autres produits connexes — papeterie de luxe, jeux éducatifs — pour rester solides. Mais toujours avec la même vocation : faire vivre la culture.



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