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A l’ETIB, l’avenir de la traduction main dans la main avec l’IA

MAG

07/10/2025


« Que se passerait-il si Saint Jérôme vivait à l’époque de ChatGPT ? » C’est par cette question audacieuse qu’a débuté la célébration de la Journée mondiale de la traduction à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). L’École de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth (ETIB), qui célèbre cette année ses 45 ans, a voulu marquer cet anniversaire par un triple événement conjuguant mémoire, avenir et dialogue : l’inauguration de deux nouvelles salles à la pointe de la technologie, la création d’un fonds de bourses destiné à soutenir les étudiants, et une table ronde internationale consacrée à la place de la traduction à l’ère de l’intelligence artificielle.


La journée a d’abord été marquée par l’inauguration de la salle Joseph Zaarour et de la salle Saint-Jérôme, deux espaces entièrement réaménagés et équipés des technologies de visioconférence les plus récentes. Ces lieux, pensés comme des passerelles vers le monde, permettront d’intensifier les collaborations académiques internationales et d’offrir aux étudiants un environnement d’apprentissage adapté aux transformations profondes des métiers de la langue. Réalisé grâce au soutien généreux de l’Association ALAM-Suisse et de la Fondation USJ, ce projet a été salué par le Recteur, le Révérend Père Salim Daccache, s.j., comme un signe tangible de l’engagement de l’université à former des traducteurs et interprètes capables de répondre aux défis d’un monde en mutation.


L’anniversaire de l’ETIB a également été marqué par la signature d’un protocole d’entente instaurant un fonds de bourses baptisé « ETIB-45 ans ». Ce fonds, ouvert à la générosité des amis et partenaires de l’école, vise à garantir que les talents puissent s’épanouir indépendamment des contraintes financières. « Ce fonds est censé soutenir les étudiants de l’ETIB, afin que leur avenir soit à la hauteur de leurs rêves », a affirmé Mme Cynthia Ghobril Andrea, Directrice de la Fondation USJ, en soulignant que la formation aux métiers de la langue est une richesse qu’il faut protéger et encourager dans un contexte où les inquiétudes pour l’avenir sont nombreuses.



La cérémonie s’est poursuivie par une table ronde au titre évocateur : « Saint Jérôme à l’épreuve de l’intelligence artificielle ». Ce moment de réflexion a permis de croiser les regards d’universitaires, de chercheurs et de praticiens sur les bouleversements induits par les outils numériques. La Doyenne de la Faculté des langues et de traduction, le Pr. Gina Abou Fadel Saad, a rappelé que la traductologie, discipline qui a vu le jour au XXe siècle, traite aujourd’hui de questions complexes allant du fonctionnement cognitif du traducteur à l’usage raisonné de l’intelligence artificielle. Le Père Recteur a évoqué le débat historique entre saint Jérôme et saint Augustin sur la fidélité littérale, en soulignant que cette controverse trouve une résonance particulière face aux prouesses actuelles des machines : rapides et techniquement exactes, elles ne peuvent toutefois pas transmettre la profondeur spirituelle et culturelle d’un texte.

La Directrice de l’ETIB, le Pr. Mary Yazbeck, a insisté sur la vocation créative de la traduction : « Traduire, ce n’est pas copier, c’est recréer. C’est offrir à la pensée une seconde vie au-delà des frontières. Traduire le monde, c’est lui donner une voix. Changer les règles, c’est lui offrir un avenir. » Ces propos ont trouvé un écho dans les interventions de l’expert en neurosciences, Pr. Albert Moukheiber, qui a mis en garde contre les illusions d’une confiance aveugle envers les algorithmes, et du Pr. Lina Sader Feghali, Chef du Département d’interprétation à l’ETIB, qui a défendu l’importance d’investir dans les compétences spécifiquement humaines – créativité, discernement, responsabilité – afin de former des professionnels aptes à réfléchir et agir comme des êtres humains, et non comme de simples exécutants.




Le Pr. Bart Defrancq, président de la CIUTI et professeur à l’Université de Gand, a rappelé que l’interprétation, plus encore que la traduction, reste indissociable de l’expertise humaine, tandis que Mme Nidale Noun, Chef de gestion des conférences à l’UN ESCWA et ancienne de l’ETIB, a livré un témoignage concret sur la nécessité du professionnalisme humain dans un environnement international marqué par la complexité et l’urgence.


À travers ce triple événement présenté par la journaliste Elsa Yazbek Charabati, l’ETIB se réaffirme comme étant une Ecole audacieuse, elle accueille l’intelligence artificielle non comme une menace mais comme un levier de pensée critique et de créativité.

En convoquant la figure de saint Jérôme, traducteur de la Bible et patron des traducteurs, l’ETIB rappelle que traduire n’est pas reproduire des mots, mais chercher inlassablement le sens. Dans un monde où certains prophétisent la disparition des professions langagières, elle affirme au contraire que traduire, c’est recréer, relier et donner aux idées une seconde vie.

 

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