Le 4 aout, j'étais assise sur une terrasse à Jounieh avec ma fille rentrée pour les vacances. On savourait un moment de plénitude et de paix où nous étions heureuses d'être ensembles face à la mer. Et ce moment de paix fut fracassé par une violence inouie, une explosion longue et devastatrice qui nous a glacées! Le moment de flottement de paix d'avant s'est mué en un moment de flottement pétrifié!!!! De longues minutes pour que le cerveau assimile le choc de cette violence et autorise le corps à sortir de l'état de paralysie! On cherchait la fumée des yeux persuadées que l'explosion avait eu lieu à quelques mètres de nous! Premier réflexe de ma fille, appeler son papa pour voir s'il est ok. Il lui répond "je suis à Verdun et l'explosion est à côté!" Même réponse de tous nos proches qu'on a appelés! Tout le monde était persuadé que l'explosion s'était produite à côté d'eux que ce soit à Broumana, à Dbaye et même à Faraya...

Puis débute la fièvre de la quête des nouvelles pour comprendre ce qui s'est passé! Et le cauchemar commence! Le déferlement des images de l'horreur! La destruction, le sang, les blessés, les familles qui cherchent leurs proches, les blessés qui cherchent désespérement une voiture pour les transporter à l'hopital, les hôpitaux détruits opérant dans le noir ou sur le trottoir...

Et j'entre dans un état de choc qui dure une semaine! Une semaine allongée sur le canapé de mon balcon, paralysée, ne pouvant rien faire... Exactement pareil qu'en 1983 lorsqu'il y a eu l'explosion d'un camion piégé contre les paras français à Beyrouth juste en dessous de ma maison et oú j'ai été blessée. A l'époque, j'étais restée une semaine en état de choc, allongée sur un lit isolée dans ma chambre.

En écoutant les explications des professionels du traumatisme, j'ai compris que dans l'inconscient, la notion de temps et d'espace n'existent pas. Dès qu'il voit des images identiques à celles qu'il avait enregistré, le traumatisme est réveillé et le corps réagit de la meme manière qu'au moment où il avait subi le choc initialement!

De même, le corps se rappelle des dates anniversaires! Même si l'on n'est pas conscient de la date!

Nous sommes tous unis par une memoire collective. Nous partageons la même histoire. Que cette date puisse renforcer notre solidarité et nourrir notre determination à nous unir pour la fin de ces violences répétées sur notre terre.

Tania Alouf

Génération de guerre