ArticlesEvénements
Aujourd'huiCette semaineCe weekend

Pour ne rien manquer de l'actualité culturelle, abonnez-vous à notre newsletter

Retour

Partager sur

single_article

4/8/2020 : Katy Younes

DOSSIER

06/08/2025

Chère moi, cinq ans plus tard,

 

Le 4 août 2020, tu étais chez toi, dans ton appartement à Beyrouth à quelques kilomètres du port. Tu te préparais à sortir dîner à Gemmayzé. Tu choisissais peut-être une robe, tu hésitais encore sur l’heure.. et puis, tout a explosé.

 

D’abord, tu as cru à un bombardement. « قصف », as-tu dit. Mais ce n’était pas ça. C’était pire. Tu as couru, sans savoir où, avec la peur d’un enfant et le corps d’une adulte. Tu entends encore le fracas des vitres, les cris : « يا رب، يا رب ». Et toi, la première chose que tu as hurlée, c’était : « Pap ! »

Il était dehors. Il aurait pu… mais il est revenu en vie.

 

Pas tout le monde.

 

Toi, tu as survécu. D’autres non.

Tu as perdu un ami. Et une part de toi aussi.

 

Tu n’as pas eu la force d’aller aider à déblayer les maisons. Tu étais en colère. Une colère noire. Qu’ils viennent, eux, les responsables, balayer nos rues, nos cœurs, nos morts. Toi, tu ne pouvais pas. Pas comme ça.

 

Comme beaucoup. L’insomnie, la colère, les pleurs qui venaient toujours. L’incapacité à trouver du sens. Tu as vu des gens partir, d’autres s’éteindre à petit feu.

 

Les semaines ont passé. Puis les mois. Puis les années. Et pourtant, ce jour est là. Tous les jours.

 

Aujourd’hui, cinq ans plus tard, tu ressens encore ce vide. Tu refuses d’oublier. Tu refuses le silence. Tu veux justice. Pas une justice théâtrale. Pas des mots creux. Une vraie. Concrète. Nommée. Publiée. Appliquée.

 

Et il faut aussi dire ceci : nous avons encore peur. Un bruit trop fort, un coup de tonnerre, une porte qui claque… et tout revient. Le corps se fige, le cœur court. On vit avec ça maintenant. On s’habitue sans vraiment s’habituer. On a même fait des films, des pièces de théâtre. On a combattu par l’art. C’est ce que tu sais faire. C’est là que tu as mis ta voix, ta douleur, ton cri. Pour qu’il reste quelque chose. Pour que ça résonne.

 

Au fond de cette douleur, il reste une lumière. Une mémoire vive. Et la certitude que tant que tu continues à écrire, à aimer, à crier quand il le faut, à espérer malgré tout.. tu es encore debout.

 

Avec tout mon amour, ma rage, ma tendresse et ma vérité,

Toi.

thumbnail-0
thumbnail-0
0

Depuis 1994, l’Agenda Culturel est la source d’information culturelle au Liban.

© 2025 Agenda Culturel. Tous droits réservés.

Conçu et développé parN IDEA

robert matta logo