RAYYANE TABET, THE RETURN
ArtDu 04/05/2023 à 18:00 jusqu'au 16/08/2023 à 18:00
La galerie Sfeir-Semler est heureuse d’annoncer l’exposition personnelle de Rayyane Tabet, dont le vernissage a lieu dans notre espace à Beyrouth le jeudi 4 mai 2023 entre 18h et 20h.
Le Retour est une installation immersive qui transforme la galerie en une étrange stratosphère : dès l’entrée, les visiteurs sont entièrement enveloppés d’un halo bleu qui tronque l’apparence des objets et des personnes. Une fois le premier moment de surprise passé, on commence à distinguer dans la pénombre des têtes de taureaux colossales, dont la forme semble se détacher en relief d’une série de huit murs érigés symétriquement.
L’exposition retrace le périple d’une sculpture de marbre datant d’environ 360 av. J-C, exhumée lors des fouilles du temple d’Echmoun à Saïda en juillet 1967. Un mois plus tôt, en juin de cette année-là, la guerre israélo-arabe avait eu des conséquences profondes sur tout le Moyen-Orient, et avait entrainé des répercussions qui sont toujours d’actualité.
La pièce de marbre représentant une Tête de taureau, découverte par l’archéologue français spécialiste du Proche-Orient antique Maurice Dunand, avait passé des millénaires intacts, sous plusieurs mètres de terre ; mais en l’espace d’un demi-siècle, entre 1967 et 2017, elle sera déplacée de Saïda à Byblos, puis disparaîtra pendant plus de trois décennies. Elle réapparaitra au Colorado, aux États-Unis, avant d’être finalement dissimulée au grand jour, dans les galeries gréco-romaines du Metropolitan Museum of Art à New York. Cinquante ans après sa découverte, un procès pour en établir le propriétaire légitime la propulse sur le devant de la scène : l’affaire judiciaire qui en a fait l’objet cherche à établir si quatre photographies prises en 1967 par l’équipe de Dunand, et quatre autres photographies prises en 2017 par le bureau du Procureur du district de Manhattan, sont en fait des images de la même pièce.
La Guerre des Six Jours, déclenchée le 5 juin 1967, avait complètement remanié le paysage de la région au moment de l’arrêt des hostilités le 10 juin. À l’époque, des couvre-feux avaient été établis, exigeant l’extinction de toute source de lumière afin de contrer les raids aériens ennemis. Pour contourner le couvre-feu, les gens avaient pris l’habitude de peindre les fenêtres de leurs appartements et les phares de leurs voitures en bleu, les rendant moins visibles la nuit. En référence au contexte géopolitique dans lequel la Tête de taureau avait été découverte, Tabet expérimente avec la lumière et inonde l’espace de la galerie de bleu. Les fenêtres sont recouvertes d’un film transparent, et des sculptures produites à partir de phares de voitures modifiés pendent du plafond, illuminant l’espace de leurs ampoules peintes en bleu.
L’exposition se déroule en huit chapitres, proposant une boucle chronologique qui reconstitue l’histoire de la Tête de taureau à partir de photographies, d’inventaires de fouilles, de rapports de police, de factures de ventes, de documents de transport, de contrats de prêts, de déclarations douanières, de magazines, de courriers électroniques et de documents juridiques présentés devant la Cour Suprême de New York dans le cadre d’une série d’enquêtes menées entre 2017 et 2021. La sculpture a depuis été restituée au Liban, et est exposée aujourd’hui au Musée National de Beyrouth. Ses huit photographies, agrandies pour couvrir des murs entiers, sont présentées à la galerie. L’installation met en lumière le passé et les vies postérieures de l’objet, et résume cinquante années d’une histoire partiellement étouffée par l’amnistie générale promulguée à la fin de la guerre civile libanaise.
Tabet explore les vestiges matériels de moments éphémères et nous emmène dans un voyage à travers les continents et les siècles, les mers et les décennies, pour nous ramener à une réalité actuelle qui résulte d’une multitude d’événements en apparence déconnectés. Approfondissant les recherches de l’artiste sur les thèmes des restitutions et de la propriété culturelle, et sur les questions de patrimoine et d’identités nationales résultant des grands moments de nos histoires géopolitiques, Le Retour soulève des questionnements autour de comment, où, pourquoi et dans quelles circonstances les antiquités existent dans le monde d’aujourd’hui.
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