Samir Tabet est une figure connue et aimée, l’artiste peintre, du haut de ses cent deux ans s’acharne toujours avec passion à son métier de peintre. Entretien.
Égyptien d’origine, Samir Tabet est né en 1923. Passionné depuis son jeune âge par l’art visuel « j’aimais dessiner tout ce qu’il y avait devant moi, les objets, les choses de la vie », sa famille le pousse cependant à suivre une formation scientifique car « étudier l’Art pour un homme était à l’époque inadmissible. ». Il obtiendra un doctorat de Chimie à Londres, tout en suivant des cours de peinture le soir.
A Paris, marié avec son doctorat en poche, il effectue des recherches à la Sorbonne tout en suivant sa passion dans une école du soir où il ne dessinait que des nus. Il se forme ensuite auprès de deux maîtres, Jean-Claude Janet et Jean-Pierre Alaux : « C’était dur, tout était nature morte et portrait ». Il passera quatre à cinq ans à travailler dans ces ateliers. Puis il expose au salon d’Automne, et deviendra au fil des ans Sociétaire.
Il devient pendant un temps à Florence l’élève de Pietro Annigoni, peintre portraitiste connu de la famille royale, de style Renaissance. Il explique que les peintres devaient venir à l’atelier à des horaires précis, ils étaient huit à dix élèves présents tous les jours, et déjeunaient ensemble avec leur patron. « C’était un travail de huit à neuf heures par jour tant qu’il y avait la lumière. ».
Un jour, le destin décide de le conduire au Liban ; on l’appelle pour prendre en charge un projet de cimenterie au Sud du Liban.
Au début, il prévoit de rester quelques jours pour analyser la faisabilité du projet au niveau technique. On lui recommande d’utiliser les laboratoires de l’Université Américaine pour faire analyser les sols.
Il passe des semaines à faire ses analyses à l’AUB, à ce moment le département de Chimie était à la recherche d’un professeur. Il contacte son épouse alors au Caire, elle n’hésite pas une seconde pour s’installer au Liban.
Samir Tabet restera une quarantaine d’années à l’AUB passant de professeur, à Doyen de la faculté des Arts et des Sciences, vice-président des affaires académiques pendant quinze ans puis Président intérimaire. « C’était une affaire de bonne chance, j’étais là au bon moment » explique-t-il.
En 1985, après une quarantaine d’années au sein de l’AUB, il décide de changer de cap. Il veut alors vivre pleinement sa passion et se dit que « maintenant je fais ce que j’ai toujours voulu faire : la peinture ».
Formé à la peinture classique, Samir Tabet se spécialise dans la nature morte, une réminiscence de ses années à Paris où il aimait flâner dans son quartier du 6ème arrondissement rempli de magasins de quincaillerie où il aimait dénicher des objets. Celui qu’il affectionne le plus est l’œuf : « la forme est belle, aérodynamique, ce n’est pas une ellipse, et il y a cette texture, ce granulé, ce n’est pas de la porcelaine, du bronze. Un œuf, c’est une belle chose. »
Depuis des années, dans son atelier à Kornet Chehwan, même à cent deux ans, Samir Tabet ne cesse de travailler. « Je peins tous les jours, cinq à six heures. »
A la question de savoir ce qu’il aime particulièrement dans le métier de peintre, il répond « le travail. On m’a appris le respect du travail, j’ai de l’admiration pour ce qui représente le labeur. C’est un métier. ».
Avec une vie remplie d’expérience et d’admiration pour les belles choses qu’il tente d’exprimer à travers son pinceau et ses longues heures de travail, Samir Tabet est un artiste dépositaire d’une époque classique où l’enseignement du métier était central. Un homme humble et amoureux de la vie qui conclue notre rencontre par « C’est la chance qui m’a aidé, mais j’ai travaillé ».
Une chance également pour nous d’avoir en notre pays du Cèdre une personnalité comme la sienne qui a décidé d’y enraciner sa famille, sa force de vie et sa passion, ceci, contre vents et marées.
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