Ce premier octobre, sur la rue Parc, vivante et branchée, les limousines se succèdent et le tapis rouge se déroule pour les invités de marque du cinéma libanais qui arrivent dans le magistral théâtre Rialto sous le crépitement des photographes qui se précipitent… à la libanaise.
Rarement autant de glamour aura été déployé dans la métropole québécoise : femmes aux belles boucles blondes, en robe longues soyeuses, épaules dénudées, hommes en papillon (mais aussi en baskets rutilantes) … On parle, on « jase », on se retrouve autour du bar, devant un buffet recherché, alors que deux belles danseuses en tutu esquissent quelques pas… Sur scène un violoncelliste crée une ambiance festive avec des classiques revisités et Michel Fadel sur son piano charmera encore une fois l’audience… Le faste des soirées libanaises est palpable.
Pourtant dans la salle, le maître d’œuvre de cette soirée : Sam Lahoud circule, incognito. Toujours modeste, loin des accolades et des exclamations, il veille à prendre quelques photos, à s’assurer des coulisses, à ce qu’on ne tarde pas trop à commencer, ne s’en impatiente pas trop, discret et efficace. C’est un soir important pour lui, celui du l’inauguration de son festival du cinéma, nouvelle formule. Un concept qu’il propulse aux quatre coins de la planète à travers la « Beirut Film Society ». Un organisme aux tentacules planétaires qui œuvre, depuis neuf ans à faire du 7ème art libanais non seulement un divertissement mais un mouvement actif, bâti sur des principes de probité et de diplomatie culturelle, une célébration vibrante de la créativité libanaise et un témoignage saisissant de la résilience de son peuple qui refuse de se rendre ou de mourir. Son grand mérite étant de croire fermement que le Liban est « plus grand que son territoire », d’où son souci de diffuser auprès de la diaspora et des pays hôtes des films de valeur, choisis avec soin et surtout avec une recherche d’excellence à l’image de tous les moments de cette manifestation, étalée sur cinq jours, qui s’est avérée non seulement prestigieuse, mais réellement étonnante par la qualité des films projetés et son organisation irréprochable.
Sous les applaudissements nourris, Carmen Lebbos, icône et voix de la résistance, invitée d’honneur de cette grande fête du cinéma libanais en terre d’Amérique, s’avance entourée des célèbres acteurs Carlos Azar, Michel Hourani et Badih Abou Chacra (qui d’ailleurs se reproduisait sur les planches du Théâtre Outremont, toujours à Montréal, quelques jours plus tôt, dans une pièce « Venus », présentée par JP Productions).
Karen Boustany, dans les tons parme, en sirène brillante, l’est tout autant en maître de cérémonie. Habituée aux grands évènements et aux personnalités du monde politique et artistique, saluée par le festival pour son œuvre auprès de la diaspora (plus de 600 personnes qu’elle a fait connaître au public libanais) présente tous les intervenants, les acteurs, les membres du jury, les sponsors et notamment les partenaires au Canada de ce festival, dont Dr Roni Daoud et la vice-présidente du festival : Me Patricia Chamoun qui a dirigé avec brio toute une équipe sur place et monté en huit semaines un programme étalé sur plusieurs jours et dans plusieurs localités, dont Ottawa (alors que l’équipe de Beirut film Society suivait continuellement en différé, le déroulement du festival !)
En compétition sept longs métrages et 33 courts métrages et documentaires (et un hommage spécial à Ziad Rahbani) ont donné du fil à retordre au jury de professionnels composé de professionnels libanais et canadiens et dont la présidente était la sénatrice Danièle Henkel. Réellement enchantée par la vigueur et l’esprit entrepreneurial des Libanais, elle a tenu à honorer au Sénat même, l’équipe des Journées libanaises du cinéma au Canada en rendant un hommage vibrant au langage universel, à l’espace d’échange, à la mémoire partagée et au véritable pont de valeurs partagées entre les deux pays.
Plusieurs prix ont été décernés en clôture de ces quelques jours de projection dédiés à nos talents autant avérés qu’émergents, aussi bien producteurs, artistes, acteurs, directeurs, que « constructeurs de l’image ».
Pour les longs métrages : « Disorder » de Lucien Abou Rejeily, Bane Fakih, Wissam Charaf et Areej Mahmoud, qui a été primé comme meilleur film du festival et « Yalla Baba » de Angie Obeid, comme meilleur documentaire.
Parmi les courts métrages, « The Resilience of the Poppys » de Mona Hammoud a reçu le prix du meilleur film documentaire. Avec des prises de vue époustouflantes du Liban, une caméra vivante et bougrement professionnelle, la réalisatrice y donne la parole et questionne cinq humoristes libanais (Chaker Abou Abdallah, John Achkar, Mohammad Baalbaki, Stéphanie Ghalbouni et Wissam Kamal,) qui livrent des réflexions profondes sur leurs difficultés, le sens qu’ils donnent à leurs prestations et ce qu’ils en attendent.
Le prix de la meilleure fiction du court-métrage est revenu à « Edb & Flow » de May Tabbara qui relate la force des élans amoureux des adolescents qui persistent malgré la guerre qui tonne autour. Un film tout simple, mais très touchant qui dépeint au plus près la fougue des jeunes qui découvrent l’amour et le désir.
Pour la liste de la sélection officielle voir www.lebanoncinemadays.com
Prochain rendez-vous au Canada avec l’invité d’honneur Georges Khabbaz.