Où étiez-vous le 4 août 2020 ? Comment avez-vous vécu cette journée ?
J’étais chez moi, allongée. J’attendais avant de sortir dîner.
Un ami m’appelle. J’entends des bruits d’avions. Je lui dis qu’on est attaqués. Il pense que je me moque de lui.
Puis… plus rien.
Je me réveille sonnée, au milieu du chaos. Plus de vitres, plus de murs. Le noir, la poussière grise. La pénombre. Le flou. L’incompréhension.
Mais un calme olympien.
Chaussures. Passeport. Téléphone. Un sac pour tout ranger.
L’ordinateur ? Trop lourd. Plus tard.
Il faut sortir. Il faut descendre les escaliers.
J’arrive en bas. Je m’assois sur le trottoir. Je regarde mon visage avec la caméra du téléphone.
Je suis couverte de sang.
Les routes sont bloquées. Couvertes de pierres. Aucune voiture ne viendra nous chercher. Il faut marcher. Un pas après l’autre.
Je vois des étoiles. Je vois en noir et blanc.
Je vais mourir ?
La suite… hôpital, anesthésie, rasoir, sutures, tétanos, radio, scanner, douche, et au lit.
Quelles ont été les conséquences de l’explosion pour vous, sur le moment, dans les semaines, les mois et les années qui ont suivi ?
Première conséquence : SDF… et blessée, en plein Covid
Seconde conséquence : la colère face à l’injustice et à la mauvaise organisation de l’aide.
Et beaucoup d’autres conséquences… surtout celle de ne plus être moi-même : ni physiquement ni psychologiquement.
D’abord peur de rien, puis peur de tout.
Surtout du bruit des avions.
Cinq ans plus tard, que ressentez-vous ? Que voulez-vous dire ?
Le vide. L’oubli. L’injustice.
Je préfère oublier et ne pas y penser. Parce que, quand j’ouvre le “tiroir” du 4 août… je me souviens que personne n’est venu demander si on allait bien, si on avait besoin d’aide.
Plus on était proche de l’attaque, moins on a eu d’aide.
Beaucoup nous ont volés ou escroqués…
Je ne vous recommande pas de réparer un appartement en plein écroulement de la livre, en plein Covid…
En parler ? Compliqué.
Tout le monde était plus proche. Tout le monde est traumatisé. Personne n’écoute. Même pas les psys… Ceux qui veulent aider sont eux-mêmes traumatisés. Parfois plus que les patients.
Nous sommes tous des victimes du 4 août 2020.
Que nous ayons été blessés ou non. Que nos biens aient été détruits ou pas. Que nous soyons morts ou encore vivants.
Ce n’est pas un cri, ni une plainte.
Juste ce que j’ai vécu. Ce que j’ai vu. Ce que je ressens, cinq ans après.
Une victime du 4 août 2020