Home Top (1440 x 150px)

Pour ne rien manquer de l'actualité culturelle, abonnez-vous à notre newsletter

Alain Farah : L’écrivain levantin flyé



La diaspora est une richesse culturelle pour le Liban.
Faire connaitre certaines figures artistiques auprès du public libanais, c’est les attacher encore plus à la mère patrie.
L’Agenda Culturel rencontre certains de ces artistes, nés ou originaires du Liban, vivant au Brésil, en Colombie, au Canada, en France…
Quelle image ont-ils du Liban ? Comment intègrent-ils dans leur création à la fois leurs origines, leur vision actuelle relative à une autre société ?

A entendre parler cet écrivain excentrique, original et audacieux, on le croirait au Liban entre les Nammour, les Farah, les Safi et les Zafer. Pourtant ce fils d’immigrés libanais est né au Québec où il vit depuis plus de 35 ans. Mais il porte son pays d’origine, comme on porte une relique, un peu par superstition, beaucoup par attachement et un rien pour ne pas oublier.


Et Alain Farah n’a rien oublié. De ses cousins qu’il a visités en 2001 et avec qui il est demeuré très lié, de ce que sa mère lui raconte de ses incertitudes, de ses angoisses, de ses fétichismes. Il cite régulièrement dans ces écrits sa grand-mère Aida qui lui a laissé en héritage toute l’atmosphère orientale de cette région dont il est issu, qui l’attire, l’intrigue et suscite ses réflexions et son intérêt.

Professeur de littérature à Mc Gill, cet auteur écrit pour titiller autant la plume que la réalité. Ses romans, notamment le dernier ‘Pourquoi Bologne’ (aux éditions le Quaternier) flirtent avec la (fausse) science fiction et le mettent toujours au centre de son énigme dans laquelle, il mêle savamment des références littéraires, un zest d’autobiographie, des virées paranoïaques, beaucoup de dérision… Le poète (qu’il été à ses débuts) mêle dans ses romans : fantasque, états altérés de la conscience, intangible, humour, mais aussi allusions récurrentes à ses origines.

Son identité libanaise est très présente et il ne craint pas d’affirmer : ‘‘Elle joue un rôle fondamental dans ma psyché. C’est un peu cet aspect du joueur compulsif, négociateur, qui trouve la bonne rue et déniche la bonne affaire’’. Si sa ‘libanité’ n’est pas frontale, elle apparaît toujours néanmoins sous l’ombre d’un fantôme. ‘‘Les références à la mentalité libanaise, qui ne sont pas partagées par mes collègues, sont très intégrées, très incarnées en moi, ce qui est curieux vu de l’extérieur’’.

La multitude de ses identités, québécoise et méditerranéenne, exacerbe sa sensibilité et motive son intellect. ‘‘J’ai été élevé dans une religion, une superstition, j’ai la conscience du danger, que tout peut basculer, le sentiment très complexe, très intellectuel d’être issu du centre du monde’’. Celui qui dispose de plusieurs tribunes publiques à Montréal, qui s’est mérité des critiques élogieuses dans Le Monde et Libération, qui parle aussi bien de littérature contemporaine que classique, qui s’essaye à la bande dessinée (‘La ligne la plus sombre’, aux éditions La Pastèque), tente toujours en filigrane de ‘‘créer un espace de parole afin de montrer la complexité du Moyen-Orient’’.

Chroniqueur littéraire à Radio-Canada, il assume un rôle de passeur qu’il exerce, inconsciemment certes, mais aussi sciemment. Ainsi dans l’adaptation théâtrale du fameux film ‘Le déclin de l’empire américain’ (de Denys Arcand), il va, 30 ans plus tard, recréer sur les planches une société contemporaine qui intègre dans sa multiplicité les valeurs orientales (la pièce joue à guichets fermés ce mois de mars à Montréal.)

Peu ou prou, il contribue au rôle que remplit la diaspora libanaise sur la scène artistique internationale et s’intéresse à tout ce qui a rapport à la mythologie et à l’histoire de son pays : ‘‘C’est drôle que je me sente si intéressé alors que je connais si peu le Liban géographiquement. Mais j’ai un désir de m’inscrire et de dialoguer avec tous ces Levantins’’.

C’est probablement pour cette raison que celui qui n’a pas peur des frontières temporelles (‘Pourquoi Bologne’ se passe simultanément en 1962 et en 2012) et qui reprend à son compte la phrase de Montaigne : ‘‘Je suis moi-même la matière de mon livre’’ s’attèle actuellement à un nouveau roman : ‘Mille secrets, mille dangers’ qui retrace, à travers l’histoire de son père, la complexités, la fluidité de passage de ces Chrétiens d’Orient qu’on appelle les Shawwam et qui ont tant circulé entre le Liban, la Syrie, l’Egypte et les pays avoisinants.

Gageons qu’il va encore une fois aborder l’impalpable pour expliquer l’implication des religions, des clans et des communautés pour relever la curiosité, la richesse des choses qui nous échappent, ces OVNI, ces objets verbaux non identifiés, comme il les appelle.

Gisèle Kayata Eid, Montréal

Articles Similaires

Article side1 top (square shape or rectangular where the height is bigger than the width)
Article side2 down (square shape or rectangular where the height is bigger than the width)