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Darine Hotait : “Je suis revenue au Liban à travers mon travail”

La diaspora est une richesse culturelle pour le Liban.
Faire connaitre certaines figures artistiques auprès du public libanais, c’est les attacher encore plus à la mère patrie.
L’Agenda Culturel rencontre certains de ces artistes, nés ou originaires du Liban, vivant au Brésil, en Colombie, au Canada, en France…
Quelle image ont-ils du Liban ? Comment intègrent-ils dans leur création à la fois leurs origines, leur vision actuelle relative à une autre société ?
Manipulatrice du mot et de l’image, entre un voilement et un dévoilement, à l’image de son court-métrage ‘I Say Dust’, Darine Hotait se présente tout simplement comme écrivain de fiction et réalisatrice de films narratifs. De New York où elle vit, le Liban tonne comme une des bases les plus solides de son processus créatif.
La diaspora libanaise est le plus souvent intégrée, mais reste attachée au Liban, qu’en est-il pour vous ?
La diaspora libanaise se distingue par sa diversité et varie également en fonction de l’endroit où les communautés finissent par se forger une base solide et du temps passé à le faire. Ici, à New York, je n’ai pas vraiment de liens avec la diaspora libanaise en raison de la nature même de la ville, par opposition à Detroit, par exemple, où se trouve toute ma famille, des grands-parents aux oncles à la fratrie ; on ressent cette présence dans chaque pâté de maisons.
Personnellement, honnêtement, je ne suis pas attachée au Liban dans le sens de l’héritage culturel et des traditions, mais plutôt à travers le langage, la nourriture et l’histoire où je puise un intérêt certain.
Pour quelle raison avez-vous quitté le Liban ? Et aspirez-vous à revenir un jour ?
L’histoire a commencé avec la décision parentale d’émigrer aux Etats-Unis quand j’avais 9 ans. Ce n’est donc pas une décision personnelle à proprement parler. Les circonstances de départ à cette époque sont évidentes : le Liban émergeait d’une guerre civile sanglante, de nombreuses familles luttaient financièrement pour recollecter leurs vies et pourvoir à leur survie de manière décente. Quand l’occasion s’était présentée, il était donc sage de la saisir.
Je ne me vois pas du tout revenir au Liban. Ma famille et moi avons établi notre vie aux Etats-Unis, depuis de longues années déjà, d’autant plus que je n’ai pas beaucoup de liens au Liban. Mais si je décide, un jour, d’avoir des enfants, mes visites se feraient certainement plus fréquentes, du moins pour les introduire à la culture du pays et établir une certaine relation.
Toutefois, en parlant du retour, je pense que je suis revenue, mais d’une autre manière. Essentiellement à travers mon travail, puisque l’art brise les barrières et franchit les frontières : durant les dernières années, je me suis rendu compte que mon travail s’adresse effectivement au public au Liban. Cela représente pour moi un retour encore plus important.
On parle souvent de l’exemple libanais (diversité, respect des différences...). Qu’en pensez-vous ? Est-ce juste une belle idée ou une réalité ?
Je crois qu’il y a un certain délire narratif au Liban, auquel personne ne semble pouvoir échapper. Certes, la diversité est une réalité, le respect des différences aussi, mais c’est en même temps très utopique, surtout si on pratique continuellement l’éradication de l’histoire, une histoire de conflit et de haine, au lieu qu’elle ne soit une matière enseignée dans les écoles. Quand les nouvelles générations apprendront leur passé et leur histoire vraie, le délire disparaitra et on commencera à penser en faits. Mais au Liban, malédiction et bénédiction sont équivalentes ; c’est ce qui constitue sa singularité.
Quel regard critique portez-vous sur la culture au Liban, arts, littérature, musique, danse, design... ? Et quels sont les chantiers culturels que vous voudriez voir émerger au Liban ?
La culture libanaise est naturellement riche. Mais cela ne veut pas dire qu’on peut maintenir cette richesse naturelle sans entreprendre d’efforts. Une comparaison toute simple : quand une personne est belle de par sa naissance, mais qu’elle ne suit pas un mode de vie sain, une nourriture équilibrée, la peau commence à se flétrir. Il y a tellement de potentiel à explorer, tellement d’artistes talentueux à qui accorder une opportunité.
De tous les domaines culturels, j’aimerais bien voir émerger plus de littérature, de jeunes écrivains : cela me manque réellement. Je suis souvent à la recherche de premiers romans d’écrivains libanais. Et ce n’est jamais facile à trouver.
Croyez-vous que la diaspora a un rôle à jouer au Liban ?
Absolument ! Que ce soit la diaspora ou non, nous avons tous quelque part le même rôle : partager ce que nous avons appris, ce que nous savons le mieux faire. De cette manière, nous pourrons infiltrer le système scolaire qui, à mon avis, a besoin d’un remaniement total, une entière remise à neuf.
Quelle place occupe le Liban dans votre processus de création ?
Il en constitue l’une des bases les plus solides.
Parlez-vous l’arabe avec votre entourage ?
Oui, et j’en suis fière. C’est une langue magnifique, que je suis chanceuse d’avoir apprise jeune. En revanche, écrire en arabe m’est plus difficile, mais souvent j’essaie de me lancer un défi dans ce sens-là. Ce qui m’énerve, toutefois, c’est quand je suis face à un contenu écrit en arabe et en anglais : mon choix va directement vers l’anglais, vers ma zone de confort. Là aussi, je dois faire plus d’efforts.
Propos recueillis par Nayla Rached
.: Consultez le site web de Darine Hoteit : www.darinehotait.com
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