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BEYROUTH BY DAY: Sanayeh

Livre

LIVRE
12/05/2021|Tania Hadjithomas Mehanna

Sanayeh : Mon enfance dans ce quartier où l’histoire a laissé une école des Arts et des Métiers et un jardin qui abrite des enfants mais aussi des anciens qui pensent à hier sous l’ombre des arbres qui sont plus vieux mais aussi plus sages.

 

Textes de Tania Hadjithomas Mehanna

Photos de Ghadi Smat

Tirés du livre Beyrouth by Day, en vente dans les librairies Stephan, Antoine et Antoine Online

Les bénéfices de la vente du livre seront reversés aux ONG locales. 

Le quartier de Sanayeh a pris forme en 1907 lorsque, pour répondre aux besoins d’une population assoiffée de savoir, le wali de Beyrouth décide d’y créer une école des Arts et Métiers, un jardin, une mosquée, un hôpital municipal et une prison. Plus tard, l’école devient la faculté de droit de l’Université libanaise et l’hôpital le siège de la présidence du Conseil qui se déplace ensuite au Sérail et est remplacé par le ministère de l’Intérieur. À côté, en janvier 1958, le président Chamoun pose la première pierre des nouveaux bâtiments de la radiodiffusion libanaise et le ministère du Tourisme s’installe. Aujourd’hui les locaux de la faculté ont été vidés pour laisser place à un projet ambitieux et nécessaire : la Bibliothèque nationale du Liban. Ce temple du savoir, qui joue l’arlésienne, regroupe près de 110 000 ouvrages et 1580 manuscrits qui, restaurés et répertoriés après avoir été malmenés durant la guerre et entassés dans des caisses dans le sous-sol de l’immeuble de l’Unesco, attendent de pouvoir s’installer à Sanayeh. Le projet de construction, financé par le Qatar, a vu sa première pierre posée en mai 2009. 

 

Aux origines du quartier, des dunes de sables qui formaient le prolongement de Zokak el Blat et qu’on appelait Mazraat Yammin ou Jemmayzat el Naaman, respectivement la ferme de la famille Yammin et le sycomore de la famille Naaman. Comme si l’âme de cette région de Beyrouth ne pouvait que se nourrir de celles de ses habitants, s’identifier à leurs habitudes, prendre leurs couleurs et se confondre avec l’esprit bien spécifique qui caractérise Sanayeh, de ses établissements étatiques à son jardin en passant par ses rues tranquilles où les vies se rejoignent. 

 

Sauver Sanayeh ! Son jardin, ses maisons centenaires, son âme. À plusieurs reprises, les habitants et les voisins se sont mobilisés pour défendre ce quartier où on entend encore les oiseaux et dont la désuétude fait tout le charme. Les intellectuels, les architectes, les urbanistes, les mères de familles et les commerçants, de Hamra à Zokak el Blat, la mobilisation est de taille. D’abord une veillée aux flambeaux en 1998 pour sauver de la destruction un magnifique immeuble des années 30 jouxtant la mosquée et d’une grande valeur architecturale. Si l’initiative a porté ses fruits à l’époque, l’immeuble aujourd’hui a été racheté par un entrepreneur et le gardien reste évasif quant au début des travaux de démolition. Le jardin ensuite sous lequel devait être creusé un parking et la polémique qui s’ensuivit avec, en juin 2009, sit-in et incidents mineurs. 

 

Le jardin de Sanayeh aujourd’hui rebaptisé jardin public René Moawad du nom du président de la République assassiné en 1991 devant la présidence du Conseil, est bien plus qu’un jardin. Ce lieu de rencontre est un des seuls poumons verts de la capitale. En 1907, cet espace de 21 000 mètres carrés était destiné à embellir l’école des Arts et Métiers. Il sera réaménagé en 1920 et ouvert au public. Son bassin central rassemble depuis les familles venues passer sous ses eucalyptus centenaires des moments privilégiés. La fontaine Hamidiyyé en marbre blanc, haute de huit mètres, qui trône avec sa toughra dorée et son jet d’eau, avait été édifiée en 1900 pour couronner les vingt-cinq ans de règne du sultan Abdel-Hamid II et se situait place Assour. Elle est déplacée en 1957 au jardin après avoir été remplacée par la statue de Riad el Solh. Mahmoud Chikr vient tous les jours rencontrer ses amis, jouer aux cartes et au tric-trac et surtout nourrir les oiseaux. « Je considère ce jardin comme le mien. J’y ai même planté trois oliviers, Nous sommes nombreux à nous en occuper. Je fais griller du pain pour les pigeons. J’arrose “mes” arbres. Là, je suis fatigué, je viens de moins en moins. Mais chaque visite est un plaisir renouvelé. Nous sommes une poignée d’habitués et ce jardin est indissociable de nos vies. » 

 

Fondée en 1994 par Christine Tohmé, l’association Ashkal Alwan vise à promouvoir la réflexion artistique basée sur la ville et la région. Ateliers de travail, expositions, performances et installations s’inscrivent dans le cadre d’un dialogue interculturel et d’une approche artistique critique visant à travailler sur les réalités sociales, politiques, culturelles et régionales. La première exposition de cette association, qui est devenue une référence internationale, s’est tenue au jardin de Sanayeh en 1995 et a regroupé, au sortir de la guerre, plus de vingt artistes. Une belle occasion de réunir Beyrouth. Ashkal Alwan organise une fois tous les deux ans Homeworks, un forum multidisciplinaire et international qui rassemble à Beyrouth, des intellectuels et des artistes. 

 

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