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Jérusalem, la ville de tous les désirs

26/03/2024

En 2005, Leila Bissat a tenu à commémorer la mémoire de son père qui est originaire de la ville de Jérusalem. Elle retranscrit ses pas dans la ville sainte. L’écho de ce récit n’en est que plus fort de nos jours. 

 

Malgré des conditions de vie difficiles, un harcèlement permanent par des mesures d'occupation abusives et des menaces violentes, entourés de colonies israéliennes en pleine expansion, les habitants de Jérusalem n'échangeraient leur ville pour rien au monde. 

 

Nous entrons dans la ville fortifiée de l'ancienne Jérusalem par son seuil principal, la porte de Damas, plus communément appelée en arabe « Bab al Amoud », la « porte du Pilier », une entrée bondée de vendeurs en tous genres. Les murs dans leur état actuel sont l'héritage du sultan ottoman Soliman II. 

 

Notre visite de la vieille ville commence par le quartier arménien, à l’aube du samedi Saint. Mais avant cela, il faut prendre un bon petit petit-déjeuner typique de Jérusalem : le traditionnel kaak, des œufs durs cuits au feu de bois, des falafels, du zaatar, de l'huile d'olive et des olives, du fromage Nabulsi et, pour couronner le tout, un verre de thé accompagné du célèbre dessert oriental composé d'une fine pâte remplie de crème au lait, frite et recouverte de sucre en poudre (une sorte de tamriya) مـــطبق زلاطـــیمو et sans oublier bien sûr un délicieux houmous d'Abou Choukri. Cela justifiera notre affirmation que ces plats appartiennent à la culture arabe. Reste-t-il une place pour la maklouba ou le mansaf ? 

 

Retour au quartier arménien, tout près du musée chrétien. Une procession de pèlerins fait le tour du quartier, avec des cierges et des feuilles de palmier, pour finir devant l'église de la Résurrection, la mère de toutes les églises où repose le Saint-Sépulcre.
Au moment de Pâques, la perpétuation des rites anciens donne un sentiment de continuité dans le temps. La procession se poursuit sur la Via Dolorosa, retraçant la douleur de Jésus-Christ, portant sa croix et s'arrêtant aux neuf étapes de la procession. Sur une distance de 600 mètres depuis la forteresse d'Antonia (près de la porte de Damas), où la tradition veut que le Christ ait été condamné à mourir, avant d'arriver à l'église du Saint-Sépulcre. 

En se tenant dans la rue pavée, on peut voir d'où la lumière filtre faiblement à travers de petites ouvertures dans les murs et les plafonds des ruelles obscures, retraçant l'agonie du Christ. C'est un moment unique de foi dans la ville sainte. 

 

Les pèlerins entrent dans la Sainte Église de la Résurrection où les croyants s'inclinent respectueusement devant le lit de marbre où Jésus a été déposé et où ses blessures ont été soignées. Au-dessus de l'autel, une fresque dorée retrace les derniers moments de souffrance et de Jésus. Des odeurs d'encens se répandent dans l’église et d'immenses candélabres éclairent l'entrée du tombeau de Jésus, placé au centre du Saint-Sépulcre. Plus qu'une église, c'est le microcosme du christianisme oriental et la preuve vivante du Salut pour les croyants. 

 

Les grecs-orthodoxes, les apostoliques arméniens, les catholiques romains et, dans une moindre mesure, les orthodoxes coptes, syriens et éthiopiens se partagent la propriété de certaines parties de l'église. L'empereur Constantin le Grand a ordonné sa construction en 325 / 326 après J.-C., lorsque sa mère Sainte-Hélène a trouvé́ une relique de la Sainte-Croix sur ce site. 


Et lorsque la nuit tombe, un représentant de la famille Nusseibeh, un vieux dignitaire de la ville, qui détient la clé de l'église de la chrétienté, verrouille cette dernière, pour ne rouvrir les portes qu'à l’aube. Une garde perpetuée depuis des siècles. Les Nusseibehs ainsi que la famille Ghadié ont fièrement conservé ce privilège depuis près de 8 siecles et le chérissent profondément. 

 

L'histoire rapporte que le khalife Omar a refusé́ de prier dans l'église de peur que son acte ne soit interprété comme un lieu de culte pour les musulmans et que les fidèles ne la transforment en mosquée. Une mosquée, Masjid Omar, s'élève en sa mémoire sur le côté ouest de l'église, témoignant de sa sagesse. 

 

Nous quittons l'église, heureux de ce moment de paix et de sérénité́, pour nous promener dans un labyrinthe de ruelles et découvrir un authentique souk, toujours peuplé par la population arabe locale, malgré l'appétit croissant des colonisateurs à la recherche constante de nouveaux foyers, de maisons et de biens à confisquer. Ce souk, ouvert dès l'aube, est toujours animé d'activités quotidiennes et offrant tous genres de produits de consommation courante, des vêtements, des médicaments, des souvenirs, des cafés, des boutiques de toutes sortes et, surtout, une multitude de sanctuaires, de mosquées et d'églises qui répondent aux besoins de spiritualité et de dévotion de toutes les confessions. Il n'est pas seulement une attraction touristique, il possède une véritable âme. 

 

De nombreuses familles vivent encore dans les maisons de la vieille ville. Dans cette zone de 900 mètres carrés sont regroupés plus de 400 monuments d'utilité́ publique (Sabil, Zawiya, coupoles, mausolées...) et pas moins de 67 édifices mamelouks ainsi que 2571 sanctuaires et tombes honorant des saints, des walis et des bienfaiteurs. Ils représentent le paysage culturel, et religieux, essentiel du lieu datant de plus de 2 000 ans. Ils s'inscrivent dans l'ensemble de l'histoire de la Palestine et en font sans aucun doute la terre la plus sacrée du monde. 

 

Du toit de l'une des vieilles maisons, une vue spectaculaire s'offre à nos yeux. La vieille ville s'étend comme un livre ouvert de l'histoire, un panorama de croyances qui raconte à travers les minarets, les dômes, les tours élevées, les chrétiens et les musulmans vénérant ensemble le Tout- Puissant. Cela montre l'importance de Jérusalem en tant que Terre sainte unique, dotée d'une entité spirituelle monothéiste particulière. 

 

La majestueuse mosquée al Sakhra, l'Aqsa al Sharif, le mur de Buraq, l'église de la Résurrection, la basilique luthérienne, l'église anglicane, la basilique Notre-Dame et bien d'autres encore. Et au-delà des murs fortifiés, le Mont des Oliviers, symbole de la Palestine, d’où l'on peut apercevoir d'autres églises. L'Augusta Victoria avec ses lignes droites germaniques, la Gesmania orthodoxe, célèbre pour ses coupoles dorées. Plus bas, l'église Sainte Marie, toute simple, est dédiée au culte de la Sainte Mère Marie. Ni le cœur ni l'âme ne peuvent absorber toute cette beauté et cette spiritualité. On raconte que Jésus-Christ a passé sa dernière nuit sur le Mont des Oliviers. 

 

Dans la vieille ville, vit Mme Haifa al Khalidy, le seul membre encore vivant de la famille al Khalidy, issus de Jérusalem. Elle est la gardienne du trésor familial, la bibliothèque Khalidy fondée par sa famille il y a 350 ans. Le père de Haïfa, Mohamad Rouhi, écrivain et consul général de Bordeaux, décida que tous les manuscrits et livres devaient être rassemblés en un seul endroit. La famille Khalidy possède une mosquée jouxtant sa maison, où sont enterrés les valeureux souverains Mamelouks ainsi que les grands hommes de l'Islam qui ont choisi la bénédiction du repos éternel dans la ville sainte. C'est dans l'enceinte de ce lieu vénéré qu'ont été rassemblés des milliers de manuscrits attestant du patrimoine culturel arabe de Jérusalem et de son identité musulmane et chrétienne. 

 

On accède à l'esplanade d'Aqsa par l'une des dix portes du Haram al Sharif réservées aux musulmans ou par l'une des dix portes réservées aux non-musulmans. Les deux dômes majestueux, l'un recouvert d'or et l'autre d'argent, sont les points centraux de la ville intérieure, sources de lumière, rayons d'espoir, symboles de foi. De l'autre côté se trouve le Jabal al Moukabber, où le khalife Omar bin el Khattab, Miséricorde de Dieu sur lui, se tenait debout et appelait les fidèles à la prière. Les portes du Haram al Sharif sont fermées chaque soir, pour être rouvertes aux fidèles à l'aube. Les portes de la ville sont au nombre de 11, dont 7 ouvertes et 4 bloquées. 

Le Haram al Sharif, troisième lieu saint de l'islam après La Mecque et Médine, est un complexe religieux majeur pour l'islam. L'esplanade majestueuse déploie devant les croyants, toute une institution bâtie pour la perpétuation de l'Islam. Au milieu des oliviers se dressent des mihrabs ouverts et des mistabas pour les prières. Une ligne d'arcs délimite les médersas religieuses, vestiges de l'époque de l'apprentissage et du savoir. De petites mosquées et des sanctuaires adjacents remplissent l'espace de sainteté. 

 

Puis nous découvrons le majestueux Dôme du Rocher, le joyau de l'Islam, une mosquée octogonale recouverte de tuiles bleues et surmontée du célèbre dôme doré, présent dans toutes les photos de Jérusalem.
L'intérieur de la mosquée est couvert de bois finement travaillé et de calligraphies parfaites, un ensemble harmonieux construit pour adorer le Divin. Au centre, entouré d'une enceinte en bois arabesque, se trouve le rocher sacré d'al Sakhra, couvert par la coupole et protégé par les écritures saintes d'Al Fatiha et de l'Ayat al Kursi. 

 

La mosquée garde en son sein le rocher sacré qui a été témoin du Mi'raj ou de l'ascension au ciel du prophète Mohamad, que la paix soit avec lui. Plus tard, à l'achèvement de la construction, le khalife envoya une grande quantité d'or aux deux principaux constructeurs. Ceux-ci ayant refusé le cadeau, il ordonna de les recouvrir d'or pour les remercier de leur travail. Des milliers d'ouvriers ont participé à la construction de la mosquée, les meilleurs artisans de Perse, des pays arabes et de Byzance ont uni leurs compétences pour créer cette merveille d'architecture, icône de l'harmonie. On dit que la Sakhra était encerclée d'encens chaque matin avant les prières. Sous le rocher se trouvent deux petits sanctuaires, l'un dédié au prophète Ibrahim, l'autre à Sayedna alKhodor, (saint Georges), Dans cette grotte, on croit que toutes les prières sont entendues et exaucées. 

 

De là, on se dirige vers la mosquée al Aqsa, celle qui se trouve plus loin et en bas vers la Mousallah Marwani située sous la mosquée. Cette grande salle de prière risquait fort d'être fermée au motif qu'elle se trouve sur le terrain du temple de Salomon. Tous les hommes de Jérusalem ont travaillé jour et nuit pendant deux mois pour terminer la rénovation de la Mousallah et la rouvrir aux fidèles en 1996, après l'incendie de la fin des années 60. Al Aqsa a été construite en 693 par Al Walid bin Abedl Malek. Bien qu'éclipsée par le dôme doré d'Al Sakhra, cette mosquée est le point focal de tous les conflits religieux entre Arabes et Israéliens, car elle est construite au sommet du mur d'Al Buraq, qui appartient aux autorités du Waqf islamique et qui est inhérent au complexe du Haram. Il est menacé d'effondrement en raison des fouilles continues et profondes sur ses flancs pour déterrer le temple de Salomon. 

 

Vénéré comme le Noble Sanctuaire, ce complexe religieux est considéré comme la plus ancienne structure islamique au monde. Il y a d'autres endroits à visiter, d'autres trésors à découvrir : sur l'esplanade de l'Aqsa se trouve le petit musée islamique avec une collection de tuiles et de calligraphies. Autour de l'esplanade se trouve une multitude de sanctuaires, de Khilwa et de Khanka pour les soufis et les saints, pour n'en citer que quelques-uns : Khilwet Arsalan Pacha, Khilwa al Joumblati Pacha. Cela signifie que toutes les branches de l'Islam se retrouvent autour de Jérusalem. 

 

Un autre trésor caché se trouve à l'extérieur des murs médiévaux, la tombe du jardin, "considérée par l'église anglicane comme le lieu de sépulture de Jésus de Nazareth". Il s'agit d'une tombe taillée dans le roc, mise au jour en 1867, qui constitue un lieu de pèlerinage pour les anglicans et les protestants évangéliques. Le premier martyr de la terre de Palestine mérite d'être loué dans chaque parcelle de terre, et sa souffrance marquée sur chaque rocher. La liste des églises et des mosquées ne s'arrêtera jamais. De l'autre côté se trouvent l'église de l'ordre maronites, ainsi qu'un immense bâtiment ancien connu sous le nom d'hospice autrichien, construit en 1855 comme hôpital et auberge pour les pèlerins de la noblesse. Aujourd'hui, il sert principalement d’auberge. 

 

À l'extérieur des murs se trouve le majestueux couvent Notre-Dame, qui abrite une charmante auberge, une école de cuisine, un café et un restaurant sur le toit, avec vue sur tout Jérusalem. Le complexe appartient au Vatican. La promenade ne finira jamais, les histoires habitent chaque pierre, chaque ruelle, chaque fenêtre et chaque toit. Personnalités, princes couronnés, rois, ducs, tous ont mis le cap sur Jérusalem. Des pèlerins venus des quatre coins de la planète se pressent pour célébrer leur foi. L'histoire ne s'arrêtera jamais ! 

 

Les habitants de Jérusalem ont décidé de prendre leur destin en main, déterminés à survivre et à sauver leur patrimoine. Malgré l'émigration, des habitants y vivent, mettant leur vie en jeu chaque jour, chaque minute, menant leurs guerres de survie et se donnant mutuellement de l'espoir. Ces personnes qui mènent des luttes silencieuses, pour sauvegarder une identité, méritent une vie digne face à la violence aveugle. Malgré les clés manquantes, les portes verrouillées, les hauts murs, les positions et allégations déformées d'Israël, la lumière du soleil brillera toujours sur al Quds, Zharat al Mada'en, la plus sacrée de toutes les villes. 

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