Des femmes alanguies dans le plus simple appareil, lisant un ouvrage d'Omar Khayyâm à l'heure où le corps se repose dans la quiétude d'un intérieur entre orient et occident ; tel est le thème de la nouvelle exposition de la peintre libanaise Mona Trad Dabaji.
Inspirée par les vers du poète iranien, l'artiste nous livre sa vision de la femme et du temps qui passe en nous invitant à profiter de l'instant présent au diapason de textes écrits au XIème qui n'ont pas pris une ride.‘’Les roses et le pré réjouissent la terre.
Profite de l'instant : le temps n'est que poussière.
Bois du vin et cueille des roses, échanson,
Car déjà sous tes yeux roses et pré s'altèrent.’’ Roubaiyats, Omar Khayyâm
Les œuvres de Mona Trad Dabaji sont exposées jusqu'au 19 avril à la galerie Mark Hachem. Entretien avec l'artiste.
Pourquoi avoir choisi les textes du poète Omar pour cette nouvelle exposition ?'Roubaiyats' de Omar Khayyâm, c'était le livre de chevet de ma mère. Elle récitait ses vers de temps en temps. Ces textes du poète iranien du XIème siècle n'ont pas pris une ride. J'aime sa philosophie de la vie. Un épicurien qui nous invite à saisir le bonheur présent car il est éphémère. Il interpelle Allah, écrit sur la femme, l'alcool, la vie. J'ai sélectionné quelques poèmes et je les illustre par ma peinture. Ces femmes lisent, elles sont dans leur monde, loin de la violence et de la restriction.
Au cœur de vos peintures, la femme, pourquoi ?D'abord le corps d'une femme est très esthétique. Mais il y a aussi un message derrière. Ce sujet me tient à cœur. En Orient, ou ailleurs, elles sont toujours aujourd'hui dans une situation difficile, agressées, critiquées. Dans mes peintures, la femme est absorbée dans son monde, entre orient et occident. Elle fume le narguilé, boit un café, allongée sur un canapé ou installée dans un fauteuil aux motifs occidentaux. Entre deux cultures. La pause-café est un instant très important dans une journée. Pour moi c'est une coupure nécessaire, vitale dans les pays chauds. Je ne dors pas forcément mais je me repose.
La manière dont vous les avez représentées et le décor sont très symboliques également ?Elle lit, ce qui veut dire qu'elle est cultivée. Elle est nue mais a gardé sa boucle d'oreille. Un détail important pour moi, tout comme le fait que le corps est net, les ongles sont vernis. Car la femme orientale prend soin d'elle. Il était important pour moi, comme dans d'autres de mes expositions de briser le tabou du corps nu. Mes peintures sont très colorées, c'est très méditerranéen et en même temps les tissus rappellent des meubles européens. C'est tout le charme de l'orient aujourd'hui qui sait s'inspirer d'autres cultures.
Le Liban a toujours inspiré votre peinture, pourquoi ?Ma première exposition peignait la guerre. Puis je suis partie pendant 15 ans. A mon retour c'était fini. J'ai commencé à retrouver le Liban que j'aimais. Je suis allée retrouver nos traditions, à la campagne. Je me suis intéressée à ces femmes qu'on ne voit pas. Avec la montée de l'intégrisme aujourd'hui la femme est reléguée à un rôle d'objet tentant, c'est pourquoi j'ai décidé au fil de mes créations de leur enlever le voile. Contrairement à mes débuts, dans cette exposition ces femmes ne sont pas voilées, car je me suis rendue compte de la dérive de la religion aujourd'hui, alors qu'avant il était un détail d'appartenance à une culture à une communauté.
Comment êtes-vous devenue peintre ?J'ai toujours aimé peindre. Même petite, à l'école je savais que je voulais en faire mon métier. Mes amies ont toujours aujourd'hui des croquis que je leur donnais en classe. J'ai été sensibilisée à l'art par mes parents. Ils n'étaient pas artistes, mais mon père par exemple aimait peindre le dimanche. L'odeur de l'huile de lin a bercé mon enfance, elle fait toujours partie de mon quotidien.
Pour découvrir quelques-unes des peintures exposées, cliquez sur la
vidéo.
Mona Trad Dabaji 'Omar Khayyâm à L'Heure de la Sieste'Galerie Mark Hachem
Capital Garden l Salloum Street l Minet el Hosn l Beyrouth
Du 21 mars au 19 avril 2013 (prolongation)
(01) 999 313