Comment passer le cap ? Comment acquérir assez de visibilité pour pouvoir vivre de sa musique ? Depuis le début des années 2010, les artistes libanais trouvent une oreille bienveillante auprès d’une série de plates-formes dont le but est de créer puis d’accompagner des carrières. Et ainsi donner un nouveau souffle à la scène libanaise.
Il y a trois ans,
Postcards n’était qu’une bande de copains qui tentait de faire entendre sa musique dans les bars de la capitale. Mais un jour de 2013, les quatre Libanais croisent la route d’Anthony Semaan. Et le rock devient leur métier. Anthony Semaan est dénicheur de talents. Depuis 2012, il organise et promeut de jeunes artistes Libanais avec la plate-forme Beirut Jam Sessions qu’il a fondée.
‘‘J’ai vu ces quatre artistes sur scène, j’ai senti quelque chose et suis allé leur proposer de faire la première partie d’un groupe de rock indé suédois connu de passage à Beyrouth’’, se souvient-il. Presque tous les mois, la compagnie applique ce principe à la lettre. Dans des salles de concert de la capitale (Station, Concrete, Radio Beirut…), Anthony Semaan organise les Beirut Jam Sessions. Des artistes à la renommée internationale se produisent et partagent la scène avec des jeunes pousses locales.
‘‘Ce concert a été un tremplin pour Postcards. La vidéo a été mise sur YouTube et a dépassé les frontière du Liban’’. Les quatre musiciens s’apprêtent à partir en tournée entre l’Italie et le Portugal pour une trentaine de dates.
‘‘Nous sommes des agents et managers de plusieurs jeunes artistes libanais, précise Anthony Semaan qui a également pris sont aile le rappeur Chyno.
On accompagne les artistes en les aidant à réaliser un plan financier, on leur donne des conseils, comment enregistrer un EP’’.L’expérience Beirut Jam Sessions a fait naitre d’autres projets. En 2013, Elias Maroun, architecte de formation mais qui a toujours gravité dans le microcosme musical, se met en tête de regrouper autour d’une scène les jeunes artistes libanais. Beirut Open Stage voit le jour dans le bar Dictateur de Mar Mikhaël. Les scènes ouvertes d’Elias Maroun trouvent leur public et le projet grandit. Beirut Open Stage s’invite au fil des mois dans les plus grandes salles de la capitale (BO18, Music Hall), tandis qu’Elias Maroun centralise le meilleur sur sa chaîne
OpenStage.tv. Sa plate-forme suit et accompagne la carrière de certains, comme c’est le cas en ce moment avec l’étoile montante de l’électro, Etyen. Les Beirut Open Stage mettent en lumière de nouvelles têtes dans le paysage musical libanais comme le groupe pop Adonis ou les sœurs
Michelle et Noëlle Keserwany. En octobre, le Grand Factory accueillera la 3e édition des Beirut Wave Live Selection initiées par Maroun. Durant trois soirs (les 1er, 8 et 15 octobre), quinze groupes ou artistes – sélectionnés en ligne parmi 45 candidatures - se produiront sur la scène de Karantina. Le vainqueur de chaque session gagnera le droit d’enregistrer en studio et figurera - avec d’autres artistes plus confirmés - sur le troisième album ‘Beirut Wave’ produit par la plate-forme.
La scène pour faire émerger les moins connus, c’est aussi la mission que se sont donnés deux autres acteurs du secteur : Beirut and Beyond et le Wickerpark Music Festival. Le premier – avec une vocation plus régionale que libanaise - organisera du 8 au 11 décembre la troisième édition de son festival international. Douze groupes du monde et de la région se produiront dans les plusieurs salles de la capitale (Metro Al Madina, Mansion…).
‘‘L’originalité de notre projet tient dans le fait qu’il s’agisse d’un showcase qui met en relation artistes et professionnels du secteur, défend Amani Semaan,
à l’origine de l’événement’’. Dans le même esprit, le Wickerpark Festival dont la 6e édition s’est tenue le 10 septembre à Batroun,
‘‘vise à promouvoir les talents locaux, tout en sensibilisant les jeunes aux questions écologiques’’, selon les mots de sa co-fondatrice, Michelle Daou. Ouvert ces dernières années aux artistes régionaux, le Wickerpark Music Festival est revenu aux fondamentaux pour cette édition en présentant une sélection libanaise.
‘‘Tout ce travail serait difficile sans l’activité des nombreux pubs et cafés qui ouvrent leurs scènes aux jeunes’’, relève Fadi Tabbal acteur incontournable de la scène libanaise. Le producteur qui a accompagné près d’une centaine d’artistes dans sa carrière cite le travail
‘‘d’Onomatopoeia avec son école de musique-café ou de Radio Beirut et sa scène ouverte aux nouvelles musiques’’. S’il y a une dizaine d’années des groupes comme Mashrou’ Leila ou avant eux Soapkills ont pu émerger sans ces supports, Fadi Tabbal estime que le système qui se bâtit depuis les années 2010
‘‘est sur la bonne voie avec ses imperfections’’. ‘‘On marche sur le bon chemin, même si on n’est pas encore en train de courir’’, abonde Elias Maroun. Le fondateur de Beirut Open Stage en veut pour preuve le fait que les groupes ’’non commerciaux’’ soient aujourd’hui plus visibles aux yeux du grand public.
‘‘Des radios comme Radio Light FM ou des télévisions comme MTV Lebanon commencent à les diffuser, justifie-t-il.
Il y a quelques années, cela aurait été impensable !’’.