Moi je ne vais plus aux spectacles. Je suis servie largement en restant chez moi. Il me suffit d’allumer la télé pour admirer de grands acteurs faire un show qui me fait sourire, rire et pleurer en même temps. Pourquoi irai-je encore ailleurs ? Pour voir des énergumènes jouer, avec tout leur sérieux, une comédie ou une tragédie, selon la date et l’heure, indépendamment de leurs intentions…
Reste à savoir, deviner et prospecter lesquelles ! Des caméléons, peuple singes du maître comme disait La Fontaine, qui suivent les intentions (des autres mais surtout de vote) et adaptent leur scénario et leur interprétation en fonction. Ils sont d’ailleurs tellement convaincants que je les su(b)is jusqu’à la fin de la soirée.
Épuisée, remplie de vide, je me demande à chaque fois comment nos politiciens arrivent à nous tenir en haleine pour des élections bidon, des décisions carton et des résolutions-illusions.
Je me dis que c’est moi qui suis crédule. Que c’est moi qui veux toujours croire que quelque chose va changer. Que c’est trop bête de me laisser avoir à chaque fois en imaginant qu’un responsable puisse faire quelque chose pour améliorer le monde qui va à la dérive…
Mais en fait, qui pense que le monde va à la dérive ? Tout le monde. Je vous le garantis. Tout le monde veut que les forêts soient vertes, que les abeilles reprennent leur envol et que les baleines barbotent tranquillement. Les jeunes encore plus que les croulants. Les jeunes pousses ont d’ailleurs tout intégré de leurs cours d’environnement. Autant que les cours de chimie et de physique. En théorie, ils sont très forts. Ils passent leur bac, obtiennent des notes, des mentions, des cotes R, des dossiers blindés… Et concourent âprement aux grandes écoles. Ils y apprendront la finance, la finance, la finance et… la gestuelle.
Parce que finalement, ce qui compte c’est comment faire de l’argent. Non ? Les abeilles, les baleines et les forêts... Oui, bien sûr, mais il faut auparavant préparer son avenir. Non ?
Alors moi je rentre dormir. Des spectacles, je n’en veux plus. Ni chez moi, ni ailleurs. Je veux juste aller à la chasse aux abeilles, essayer de goûter quelque part leur miel. M’installer au soleil, rêver à ce qui n’est plus et rire comme une baleine.
Gisèle Kayata Eid
Si vous voulez en savoir plus sur cette chronique, notre collègue Gisèle Kayata Eid sera au Salon du livre de Beyrouth (au stand de la librairie Le Point), le jeudi 8 novembre 2018, pour signer son livre ‘Consommation Inc.’, avant et après un débat, à 19h00, intitulé : ‘Consommer ou SE consommer’.